/  30 juin 2021

L’inflation en cette crise pandémique – menace ou opportunité ?

Dans un discours prononcé en 2017 sur les fondements de l’inflation fondamentale, le sous-gouverneur de la Banque du Canada, Lawrence L. Schembri, rappelait que « l’inflation est simplement une hausse généralisée du prix moyen des biens et services sur une période donnée, autrement dit une hausse tendancielle du coût de la vie ».

Cette perte du pouvoir d’achat, qui doit être distinguée de l’augmentation du coût de la vie, est mesurée par le taux de progression de l’indice des prix à la consommation (IPC) publié par Statistique Canada. Pour déterminer l’IPC, l’organisme fédéral suit l’évolution du coût d’un « panier d’achat » à pondération fixe constitué de biens et de services représentatifs de la consommation des ménages.

Notre banque centrale s’affaire à maintenir l’inflation mesurée par l’IPC à un niveau bas et stable, soit autour de 2 % par année, une cible qui est la même depuis le début des années 1990. Si elle prévoit que la demande globale excédera la production potentielle ou lui sera inférieure, elle relèvera ou abaissera son taux directeur, selon le cas, afin de combler l’écart et de maintenir l’inflation mesurée par l’IPC à la cible.

Le sous-gouverneur a toutefois précisé que même si la banque visait un taux d’inflation bas, stable et prévisible, elle devrait toujours composer avec de fortes variations de l’inflation mesurée par l’IPC.

Lorsque l’inflation est effectivement à un niveau bas, stable et prévisible, l’économie peut croître à un rythme soutenable, notamment en raison de la prévisibilité des coûts, permettant aux entreprises, aux investisseurs et aux consommateurs de planifier leurs dépenses, leurs investissements ou leurs épargnes. À l’inverse, une forte inflation compromet cette capacité d’anticipation, car l’instabilité et l’imprévisibilité en découlant empêchent l’économie de fonctionner de façon optimale.

Comme l’inflation avoisine les 2 % lorsque l’économie tourne pratiquement à plein régime, soit lorsque l’offre et la demande de biens et services demeurent à peu près équilibrées, la Banque du Canada s’emploie à la maintenir autour de ce taux, de sorte que les acteurs économiques puissent savoir raisonnablement à quoi s’attendre et prendre des décisions financières éclairées à long terme, condition essentielle à la croissance économique et à la création d’emplois.

En mars 2020, à la suite de la confirmation de la pandémie de la COVID-19 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les gouvernements du Canada et du Québec ont déclaré l’urgence sanitaire. Des mesures de contrôle de même que des mesures budgétaires, fiscales et monétaires ont été mises en place pour contrer les répercussions négatives que la récession mondiale pourrait avoir sur les individus et les entreprises.

La Banque du Canada a procédé à des rachats massifs d’actifs financiers, une pratique ayant entraîné une augmentation significative de 18 % de la masse monétaire. Le taux d’épargne des ménages canadiens par rapport à leur revenu disponible a franchi les 28 % au milieu de l’année dernière, comparativement à 3,6 % à la fin de 2019.

Les changements dans les habitudes de consommation ont été considérables, car les ménages ont acheté davantage de biens et services d’importance moindre dans le panier d’achat servant au calcul de l’IPC1, tout en dépensant moins pour s’en procurer d’autres plus déterminants aux fins de ce calcul.

La crise sanitaire n’est pas terminée et les mesures exceptionnelles des gouvernements contribuent à la relance de l’économie et à son corollaire : un rebond de l’inflation durant cette période de normalisation.

Nous sommes tous à même de constater que les prix du panier d’épicerie, des matériaux, des maisons, des loyers et de l’essence augmentent substantiellement alors que le taux d’inflation demeure faible. Plusieurs se questionnent donc sur la tendance actuelle.

Les spécialistes et les investisseurs s’interrogent sur la façon dont l’argent injecté dans l’économie au cours de la dernière année et retenu dans les comptes sera dépensé lorsque les consignes de confinement seront levées. Tout comme lors de la crise financière mondiale, ils redoutent que l’argent accumulé n’entraîne une période d’inflation préjudiciable, et ce, même si l’après-crise avait été suivie par une inflation faible.

Des experts sont d’opinion, qu’indépendamment de l’ampleur des mesures mises en œuvre, la relance générera une forte inflation si (et seulement si) l’économie tourne à plein régime et les salaires commencent à augmenter plus vite que l’inflation, ce qui n’est pas le cas présentement.

En ce qui concerne les interventions d’envergure de notre banque centrale, personne n’est vraiment en mesure de déterminer précisément leurs répercussions en termes d’inflation. On peut toutefois tenir pour acquis qu’elle augmentera au cours des prochains mois parce qu’elle a chuté considérablement à la même période, l’an dernier. Les spécialistes qualifient cette période de transition d’inflation technique.

Alors que le gouverneur de la Banque du Canada affirme ne pas croire que le seuil d’une inflation de 2 % soit atteint plus rapidement que prévu en dépit des campagnes de vaccination massive et des mesures gouvernementales de relance économique, les marchés obligataires, eux, ne sont pas du même avis et anticipent une hausse prochaine de l’inflation. Le rebond des taux de rendement à long terme en témoigne éloquemment.

Les plus récentes données de Statistique Canada semblent leur donner raison alors que l’inflation annuelle a atteint, en avril dernier, son plus haut niveau en près d’une décennie, un troisième record en autant de mois.

Selon une enquête de la Bank of America, les gestionnaires de portefeuille sont préoccupés par les impacts indirects de la pandémie de la COVID-19 sur les marchés financiers, l’inflation constituant à cet égard le pire scénario à venir, le facteur le plus inquiétant2. Dans une proportion de 93 %, ils s’attendent à un mouvement haussier de l’inflation mondiale d’ici 2022.

Avec un rythme de croissance élevé, l’inflation pourrait conduire à une surchauffe de l’économie américaine et à une hausse généralisée des prix et, par le fait même, inciter la Réserve fédérale (la Fed) à relever ses taux d’intérêt, court-circuitant du coup la reprise économique et la dynamique haussière des marchés financiers.

De son côté, la Deutsche Bank, la plus importante banque allemande, a lancé un signal d’alarme anxiogène en qualifiant la hausse des prix de bombe à retardement et en concluant à la possibilité d’une crise mondiale particulièrement destructrice à court ou moyen terme.

La multiplicité des opinions ou des anticipations divergentes laisse entrevoir un avenir d’autant plus flou que de nombreuses inconnues persistent. Elle confirme surtout qu’en ce qui concerne les prévisions d’inflation, « l’analyse n’a jamais été aussi complexe », comme le rappelait récemment avec à-propos le rédacteur en chef de The Conversation. Selon lui, « les hausses des prix peuvent ne pas constituer une menace, mais une opportunité, par leur capacité de déprécier en partie les surliquidités spéculatives qui pèsent sur l’économie dite réelle3 ».

Tout compte fait, comme dans toute situation épineuse où l’inconnu prédomine, il importe que la raison prévale sur les états d’âme, que la rigueur l’emporte sur les approximations et que la réflexion prime sur la précipitation.

La science enseigne qu’une pandémie provoque une réaction, accélère la vitesse de changement et s’avère un catalyseur de mouvement. Aussi, tant pour les investisseurs individuels qu’institutionnels, l’onde de choc de la crise sanitaire comporte des occasions d’investir dès à présent.

Un mot d’ordre demeure cependant : ne pas omettre de diversifier ses placements, respecter son profil d’investisseur et, de façon particulière, sa tolérance au risque.


1 Le panier principal de l’IPC comprend huit composantes principales que sont l’alimentation, le logement, les transports, les dépenses ménagères, l’ameublement et les électroménagers, l’habillement, les soins de santé et les soins personnels, les sports ainsi que les voyages, la formation et les loisirs, de même que l’alcool, les produits du tabac et le cannabis récréatif. Le panier consiste aussi de composantes de niveau intermédiaire et de base.

2 « L’inflation inquiète davantage que la COVID », Conseiller, 8 avril 2021 [https://www.conseiller.ca/nouvelles/economie/linflation-inquiete-davantage- que-la-covid/].

3 WHITE, Scott. « Prévisions d’inflation : l’analyse n’a jamais été aussi complexe », The Conversation, 20 avril 2021. [https://theconversation.com/ previsions-dinflation-lanalyse-na-jamais-ete-aussi-complexe-159279]

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