/  19 décembre 2002

Vider un REER sans payer d’impôt : de l’arnaque !

Revenu Canada estime que près de 10 000 Canadiens, dont une vaste majorité de Québécois, auraient été victimes d’escrocs qui leur ont fait croire qu’il était possible de retirer tout l’argent de leur REER sans verser un sou au fisc ! De la poudre aux yeux… Ces petits épargnants ont ainsi dilapidé leur capital de retraite.

La législation fiscale prévoit deux situations où il est permis de prélever des sommes d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) en franchise d’impôt :

  • pour poursuivre des études supérieures dans le cadre du Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP) ;
  • ou pour constituer la mise de fonds nécessaire à l’achat d’une première résidence dans le cadre du Régime d’accès à la propriété (RAP).

Ce sont là les principales exceptions* à la règle voulant que tout montant retiré, que ce soit à la retraite ou avant, s’ajoute au revenu imposable de l’année courante.

Mais, depuis quelques années, de soi-disant conseillers financiers font paraître dans des journaux des publicités laissant miroiter à des épargnants à court de liquidités le moyen de disposer immédiatement et sans incidence fiscale de l’argent de leur REER ou de tout autre régime enregistré : REER immobilisé, CRI (Compte de retraite immobilisé), FERR (Fonds enregistré de revenu de retraite) et FRV (Fonds de revenu viager).

Un procédé très douteux !

Comment prétendent-ils y parvenir ? Dans un premier temps, ils proposent à l’épargnant de transformer son REER en un REER autogéré, ce qui suppose l’ouverture d’un compte chez un courtier ou une compagnie de fiducie. Du coup, le détenteur est autorisé à inclure des actions dans son régime.

Nous en arrivons à la deuxième étape : nos prétendus conseillers vont inciter l’épargnant à acquérir des actions de sociétés leur appartenant plus ou moins directement. Souvent, il s’agit de sociétés à numéro.

En contrepartie, voilà la troisième étape, les magouilleurs vont octroyer à l’épargnant un « prêt » qu’il n’aura pas à rembourser dans les faits : effectivement, c’est son capital de retraite qui lui revient, mais amputé des intérêts prélevés en totalité sur-le-champ. Par exemple, si le montant du REER ainsi investi en actions s’élève en 100 000 $, l’épargnant bénéficiera d’un « prêt » d’un montant équivalent, moins les intérêts. Imaginons que ces intérêts sont de 5 % et que la durée de l’« emprunt » est de sept ans : l’épargnant devra débourser tout de suite quelque 35 000 $ (5 % x 100 000 $ x 7 ans), qui iront aux instigateurs de cette transaction. Il ne lui restera donc que 65 000 $.

Imaginons encore que les autorités fiscales s’aperçoivent du subterfuge, ce qui est tout à fait probable, et qu’elles viennent réclamer l’impôt requis, une autre tranche de 35 000 $ peut s’envoler et, en fin de compte, l’épargnant n’aura plus en poche que 30 000 $ (soit 65 000 $ – 35 000 $), ou 30 % seulement du capital de retraite qu’il avait accumulé.

Oublis ? Négligences ?

Des enquêtes ont été menées sur des cas semblables, des individus et des sociétés ont été l’objet de poursuites, des condamnations à une amende parfois élevée ont été prononcées.

De l’analyse de ces dossiers, il ressort que les épargnants « crédules » qui ont fait appel à ces arnaqueurs ont manqué de vigilance et à maints égards :

  • Ils n’ont pas pris soin de vérifier si les « professionnels » avec qui ils faisaient affaire détenaient un permis en règle de la Commission des valeurs mobilières du Québec, la CVMQ ; ils n’ont demandé à ces professionnels aucun avis écrit sur la légalité de la transaction proposée ;
  • Ils ont acheté des actions sans s’assurer que la société émettrice avait dûment déposé auprès de la CVMQ son prospectus, ou encore une notice d’offre, exigée à l’égard de placements restreints (c’est-à-dire des titres offerts à moins de 50 investisseurs) ou qu’elle avait obtenu une dispense ;
  • Ils ont investi des sommes considérables dans des actions de sociétés qui ne possèdent aucun élément d’actif sérieux, donc sans valeur ; la possibilité de revente de ces titres est souvent nulle : qui voudrait acheter des actions d’une société privée, non inscrite à la bourse et totalement inconnue du public ?
  • Et, de plus, si les actions détenues dans le REER ont été offertes en garantie du prêt, celles-ci deviennent imposables à l’instar d’un retrait. Un juriste ou un fiscaliste leur aurait indiqué ceci s’ils avaient pris le temps de consulter.

Revenu Québec et la CVMQ multiplient les avertissements, en exhortant les investisseurs à la prudence. La quasi-totalité des conseillers et planificateurs financiers sont honnêtes. Il existe malheureusement des fripouilles qui affirment pouvoir « vider » votre REER. C’est vrai. Ces gens-là peuvent le vider… La prudence s’impose.

* Il existe d’autres situations plus particulières qui permettent d’effectuer le retrait d’un REER sans incidence fiscale. Ces cas sont exceptionnels et nécessitent l’intervention d’un spécialiste (fiscaliste ou autre). Nous ne pouvons que recommander à quiconque serait tenté d’effectuer une démarche de cette nature d’être très vigilant.