/  04 novembre 2019

Qu’arrive-t-il en cas d’inaptitude?

Une personne devient inapte lorsque son état de santé la rend incapable de s’occuper d’elle-même ou de gérer ses biens. L’inaptitude résulte généralement d’un accident, d’une maladie ou simplement de la vieillesse.

 

Si la personne devenue inapte n’a pas de mandat de protection, un tuteur ou un curateur devra être désigné pour la représenter, assurer sa protection et son bien-être, administrer ses biens et exercer ses droits.

 

L’ouverture d’un régime de protection et la nomination d’un tuteur ou d’un curateur constituent un processus long et rigoureux, qui nécessite l’obtention d’une évaluation médicale et psychosociale, la constitution d’un conseil de tutelle composé de trois membres de la famille, le dépôt d’un avis auprès du Curateur public et d’une requête auprès de la Cour supérieure.

 

Durant ce processus, pouvant s’échelonner sur plusieurs mois, l’administration des biens de la personne inapte (ex. : transactions dans son compte bancaire) demeure complexe.

 

Mandat de protection

 

Afin d’éviter les méandres administratifs liés à l’ouverture d’un régime de protection, il est fortement recommandé de préparer un document spécial que vos proches pourront utiliser en cas de votre inaptitude. Appelé le « mandat de protection », il désigne généralement une ou des personnes de confiance pour prendre soin de vous et administrer vos biens si vous devenez inapte.

 

Selon la loi, le mandat de protection peut être notarié ou fait devant deux témoins. L’existence d’un mandat notarié sera inscrite dans le Registre des mandats de protection de la Chambre des notaires du Québec. Si votre mandat devant témoins est préparé par un avocat, il sera inscrit au Registre du Barreau du Québec.

 

Le ou les mandataires désignés (souvent le conjoint et les enfants majeurs) auront généralement les pouvoirs suivants :

  • consentir ou non aux soins requis par votre état de santé, incluant le recours aux soins palliatifs, en tenant compte de vos volontés écrites;
  • exercer et protéger vos droits;
  • permettre votre hébergement dans un établissement de santé ou de soins de longue durée, selon vos directives;
  • répondre à vos besoins quotidiens (logement, nourriture, hygiène et habillement).
  • subvenir aux besoins financiers des personnes à votre charge (conjoint marié, conjoint de fait et enfants);
  • payer vos dépenses courantes;
  • administrer vos biens et rembourser vos emprunts.

Il est possible de désigner un mandataire distinct pour la gestion de certains actifs plus complexes (un immeuble locatif ou votre société par actions ou non).

 

Si l’un de vos biens est situé à l’étranger, il se peut que votre mandat soit inapplicable à son égard. Vous pourriez devoir préparer un autre mandat conformément à la loi étrangère.

 

Votre mandat de protection devrait toujours prévoir des mandataires de remplacement au cas où votre mandataire principal est incapable ou refuse d’exercer la charge. De plus, vous pouvez prévoir des mécanismes de surveillance de votre mandataire, comme l’obligation de rendre périodiquement des comptes à une autre personne.

 

La charge de mandataire étant exigeante et pouvant durer plusieurs années, vous pourriez prévoir une rémunération associée à cette tâche, surtout si votre mandataire n’est pas votre conjoint. À noter que cette rémunération constitue généralement un revenu imposable.

 

Pour prendre force, tout mandat de protection doit obligatoirement être homologué par un tribunal. À cet égard, il faut préalablement obtenir une évaluation médicale et psychosociale de la personne inapte. Selon la loi, votre notaire peut jouer un rôle important dans ce processus judiciaire. Après l’homologation, votre mandataire sera autorisé à vous représenter et à agir en votre nom.

 

Étant donné la complexité des démarches en cas d’inaptitude, le gouvernement du Québec a déposé, le 10 avril dernier, un projet de loi visant à améliorer les régimes actuels de protection des personnes en situation de vulnérabilité et à mieux encadrer l’homologation et l’exécution des mandats de protection.

 

Procuration

 

Le processus d’homologation du mandat de protection pouvant s’étaler sur quelques mois, vous pouvez prévoir une procuration qui autorise une personne de confiance (ex. : votre conjoint) à gérer vos biens pendant cette période.

 

À la différence du mandat de protection, la procuration entre en vigueur immédiatement et n’a pas à être homologuée. Vous pouvez la révoquer en tout temps à votre entière discrétion. Généralement, elle cesse d’être valide une fois l’inaptitude reconnue par le tribunal.

 

En pratique toutefois, l’utilisation de la procuration peut être limitée en cas d’inaptitude. En effet, la tierce personne auprès de laquelle votre mandataire voudra agir en votre nom (ex. : votre institution financière ou un acheteur potentiel d’un bien immeuble) pourrait exiger de vous rencontrer avant de reconnaître la validité d’une telle procuration.

 

Outre la procuration, d’autres solutions permettent d’accéder rapidement à des liquidités durant le processus d’homologation : un compte bancaire conjoint ou encore une marge ou une carte de crédit conjointes.

 

Consentement aux soins médicaux

 

Lorsque la personne inapte n’est pas représentée par un tuteur, un curateur ou un mandataire, la loi prévoit que le conjoint (marié, de fait ou uni civilement) donne un consentement aux soins médicaux en votre nom. À défaut de conjoint ou en cas d’empêchement, un proche parent ou quiconque démontrant un intérêt particulier pour la personne pourrait le faire.

 

Si la personne inapte a exprimé, dans un mandat de protection ou tout autre document, ses volontés en matière de soins de santé ou de fin de vie, son tuteur, son curateur, son mandataire, son conjoint ou son proche devra en tenir compte, dans la mesure du possible, lorsqu’il donnera un consentement à des soins en son nom. Il est à noter que le médecin traitant n’est pas obligé de les respecter, surtout si elles sont contraires au Code de déontologie des médecins.

 

Directives médicales anticipées (DMA)

 

Vous pouvez également exprimer certaines de vos volontés en matière de soins de fin de vie dans un acte notarié ou encore dans un document intitulé « Directives médicales anticipées en cas d’inaptitude à consentir à des soins ». Elles seront ensuite déposées dans le Registre des directives médicales anticipées de la RAMQ et pourront être consultées par votre médecin traitant, lequel sera obligé de les respecter.

Selon la loi, les DMA vous permettent d’accepter ou de refuser d’avance certains soins médicaux dans des situations de fin de vie ou d’atteinte sévère et irréversible des fonctions cognitives, qui vous rendront incapable d’exprimer vos volontés.

 

Il existe également un autre formulaire médical intitulé « Niveaux de soins et réanimation cardiorespiratoire », qui doit être complété avec le médecin traitant, et ce, uniquement à la suite d’une maladie grave. En cas d’urgence, ce formulaire sera utile si l’équipe médicale doit prendre des décisions rapidement sans pouvoir vous consulter.

 

Consentement au don d’organes et de tissus

 

Le consentement au don de vos organes et tissus peut être inscrit à l’endos de votre carte d’assurance maladie. Il est également possible de compléter le formulaire gouvernemental « Consentement au don d’organes et de tissus », qui peut ensuite être déposé au Registre de la RAMQ prévu à cet effet.

 

Il est possible d’ajouter une clause relative au don d’organes ou de tissus dans votre testament ou votre mandat de protection notariés. Ainsi, votre notaire pourra inscrire cette information au Registre des consentements au don d’organes et de tissus de la Chambre des notaires du Québec.

 

Si vous le souhaitez, vous pouvez aussi donner votre corps à la science dans le but d’enseignement ou de recherche.

 

Aide médicale à mourir

 

La loi interdit de demander l’aide médicale à mourir d’avance. Par ailleurs, ni votre curateur, ni votre tuteur, ni votre mandataire ne pourront le faire en votre nom.

 

Assurances et testament

Une assurance invalidité ou maladies graves pourrait également vous être utile en cas d’inaptitude, d’invalidité, d’incapacité, de maladie ou d’accident.

 

En ce qui concerne l’assurance vie, la disposition de son produit fait plutôt partie de vos considérations successorales. Il va de soi qu’il est important de rédiger votre testament lorsque vous êtes encore en santé afin d’y désigner vos héritiers et le liquidateur de votre succession. Vous pourriez aussi y exprimer vos volontés en matière de funérailles, de disposition du corps et de sépulture. Afin de simplifier la tâche à vos héritiers, vous pourriez conclure un contrat d’arrangements funéraires préalables. Un registre provincial pour de tels contrats sera par ailleurs mis en place prochainement.

 

Conclusion

 

Même si pour plusieurs, le mot « inaptitude » évoque la sénilité, le fait de devenir inapte peut survenir à tout âge à la suite d’un accident ou d’une maladie. L’essentiel est de se rendre prêt à cette éventualité : rédiger son mandat de protection, préparer son testament et aborder ce sujet avec ses proches pourraient grandement faciliter la gestion des biens et de la personne advenant l’inaptitude.