/  19 mars 2001

Patrimoine familial, il n’y a pas « que l’amour à offrir en partage »

Depuis 1989, tous les couples légalement mariés sont soumis aux dispositions relatives au patrimoine familial, lequel a préséance sur le régime matrimonial ou le contrat de mariage.

Il faut préciser que le patrimoine existe, et ce, que le couple ait des enfants ou non. En fait, le Code civil considère que le patrimoine est créé par le seul fait du mariage; conséquemment, les conjoints de fait n’y sont pas assujettis. Il en va de même des personnes mariées avant le 1er juillet 1989 et qui y ont renoncé, par déclaration notariée ou judiciaire, avant le 31 décembre 1990.

Toutefois, bien que les règles du patrimoine familial s’appliquent automatiquement, la loi permet à chaque époux, quelle que soit la date du mariage, d’y renoncer en tout ou en partie au moment où ce droit prend effet, soit au décès, lors du divorce, de la séparation de corps ou de l’annulation du mariage; d’où l’impossibilité d’y renoncer à l’avance.

L’article 425 du Code civil du Québec stipule que les biens composant le patrimoine familial sont:

  • les résidences de la famille (principale et secondaires) ou les droits qui en confèrent l’usage;
  • les meubles qui garnissent ou ornent ces résidences et qui servent à l’usage du ménage;
  • les véhicules automobiles utilisés pour les déplacements de la famille;
  • les droits accumulés durant le mariage au titre d’un régime de retraite (tels les REER, FERR, CRI, FRV);
  • les gains inscrits en application de la Loi sur le régime des rentes du Québec ou de programmes équivalents (sauf en cas de décès).

Ces biens doivent appartenir à un des époux. Ainsi, une voiture louée, par exemple, ne serait pas considérée comme un bien faisant partie du patrimoine familial. Par contre, une compensation pourrait être exigée par le tribunal et versée au conjoint lésé si un bien de cette nature avait été vendu dans l’année précédant le partage.

Les biens exclus du patrimoine familial par le Code civil du Québec sont :

  • les biens acquis par succession ou donation avant ou pendant le mariage;
  • les biens autres que ceux énumérés à l’article 415 du Code.

Ainsi, les placements personnels non enregistrés, les immeubles locatifs et le produit d’assurance-vie sont des biens qui ne font pas partie du patrimoine familial. Il en va de même pour leur plus-value.

En ce qui concerne les régimes de pension, il faut déterminer s’ils font partie du patrimoine, car certains sont exclus. Par exemple, les régimes de participation aux bénéfices (RPDB) et les conventions de rentes complémentaires de retraite pour les hauts salariés.

Les biens qui sont la propriété de l’époux avant le mariage le demeurent de même que les montants qui s’accumulent. Contrairement à ce que plusieurs pensent, la valeur accumulée pendant le mariage ne sera pas partagée si le bien appartient à l’un des conjoints.

Voyons un cas précis :

Si, au moment du mariage, un bien vaut 200 000 $ et qu’il reste une balance de prix de vente de 100 000 $, sa valeur nette se situe à 100 000 $. Si, au moment du partage, ce bien vaut 250 000 $, une plus-value de 50 000 $ se sera accumulée pendant le mariage.

En conséquence, on tiendra compte, au moment du calcul, de la proportion entre la valeur brute et la valeur nette soit 50 % (100 000 $ divisé par 200 000 $). On devra donc réduire de 50 % la plus-value (50 000 $) acquise pendant le mariage,
soit 25 000 $.

Dans le cas où le bien est totalement payé à la date du mariage, la valeur nette est égale à la valeur brute du bien, la proportion entre les deux chiffres étant 1 ou 100 %.

L’effet mathématique de l’application fera en sorte que la plus-value acquise pendant le mariage sera exclue du calcul du patrimoine. Ainsi, tout bien qui est 1) possédé par un des conjoints au moment du mariage et 2) totalement payé ne fera pas partie du patrimoine familial par l’effet du calcul.

Le partage s’effectue en valeur et non en nature. Chaque époux demeurant propriétaire des biens faisant partie du patrimoine, l’un des époux serait donc redevable d’une certaine somme d’argent envers l’autre.

Au moment d’effectuer le partage, il importe de déterminer d’abord la valeur marchande des biens qui font partie du patrimoine, et ce, peu importe qui en est le propriétaire.

Ensuite, on doit déduire les dettes contractées pour l’acquisition, l’amélioration, l’entretien et la conservation de ces biens.

Une fois établie la valeur nette du patrimoine familial, on déduit la valeur nette des biens possédés par chaque conjoint au moment du mariage ainsi que la plus-value acquise par ces biens pendant le mariage (dans la même proportion que celle qui existait au moment du mariage).

De plus, on déduit la valeur des apports fournis pendant le mariage pour l’acquisition ou l’amélioration d’un bien faisant partie du patrimoine lorsque cet apport a été fait à même les biens échus par succession ou donation ou leur remploi1.

À titre d’exemple, si l’un des conjoints, propriétaire ou non de la résidence principale, paie pendant le mariage le capital dû sur une partie de l’hypothèque à même une somme reçue en héritage, il faudra déduire de la valeur nette du patrimoine la valeur de cette somme qu’il a affectée à l’acquisition ou à l’amélioration du bien.

Une fois ces calculs faits, on obtient la valeur partageable du patrimoine. Les résultats obtenus permettront de déterminer lequel des époux sera créancier de l’autre. Le paiement pourra se faire en nature (remise d’un bien) ou en numéraire (par transfert d’argent).

Depuis la mise en application de la Loi, certaines décisions des tribunaux ont pris en considération les répercussions fiscales d’un tel partage et il semble de plus en plus évident qu’il faille en tenir compte.

Par exemple, le gain en capital sur une résidence secondaire incluse dans le patrimoine pourrait être assujetti à l’impôt, tout comme l’encaissement du REER2.

À la lumière des différents éléments mentionnés précédemment, il convient de préciser que la valeur des biens à différentes dates est importante, c’est-à-dire au moment de l’achat, du mariage, de l’apport, de la vente et d’un rachat subséquent (remploi).

Il est également fortement conseillé de séparer les comptes REER par la souscription d’un compte distinct au moment du mariage.

1 Par remploi, on entend un bien qui était exclu du patrimoine et que l’on a remplacé par un bien inclus.
2 Au moment du partage, il est possible de transférer le REER au conjoint sans conséquences fiscales.