Structures corporatives complexes : en avez-vous réellement besoin ?

Audréanne Leblanc, LL.M., Fisc., Pl. Fin.
Planificatrice financière et fiscaliste


À la recherche du modèle le plus approprié afin d’optimiser leur structure corporative, plusieurs médecins incorporés rencontrent des professionnels : comptables, fiscalistes, avocats, planificateurs financiers, conseillers en sécurité financière et autres. Ceux-ci leur recommandent parfois des structures corporatives qui peuvent ps’avérer très complexes et inutiles. Audréanne Leblanc, planificatrice financière et fiscaliste, met en garde contre des conseils qui peuvent à l’occasion causer des maux de tête, engendrer des frais importants et parfois donner l’impression de perdre le contrôle de ses finances. Son message est clair : il est rare que la mise en place de structures complexes afin d’effectuer des placements soit nécessaire. Vous vous retrouvez peut-être, dans certaines situations, à payer plus de frais sans en tirer de réel bénéfice. Il faut rester vigilant.

Une deuxième société : utile ou non ?

Maude est médecin depuis dix ans. Incorporée depuis le début de sa pratique, elle commence à accumuler des sommes importantes en épargne à l’intérieur de sa société par actions (« MD inc. »). En discutant avec une collègue, celle-ci lui explique qu’un professionnel lui a recommandé de créer une deuxième société par actions (« deuxième société »), afin de respecter les normes du Collège des médecins du Québecet de protéger ses placements d’une éventuelle poursuite.

Incertaine des bénéfices qu’elle tirerait d’une telle structure, Maude rencontre à son tour le professionnel en question. Celui-ci lui suggère de créer une deuxième société, car c’est nécessaire pour se conformer aux règles, selon lui. Hésitante, Maude demande un second avis pour en avoir le cœur net.

Mythe 1 : limiter les placements dans la MD inc.

Depuis qu’elle s’est incorporée, Maude se verse un salaire à partir de sa société et y laisse fructifier le reste de l’argent. Mais désormais elle remet en question la légitimité de cette stratégie. Devrait-elle investir dans une deuxième société afin de séparer clairement ses placements de sa pratique médicale ?

« Ce n’est pas du tout nécessaire », précise Audréanne Leblanc. Le Collège des médecins du Québec autorise les médecins à faire des placements dans leur MD inc. et aucun montant maximum n’est prévu1. « Du point de vue de la gestion des placements et de l’optimisation fiscale, il n’y a aucun avantage à avoir plusieurs sociétés. »

Mythe 2 : une deuxième société protège vos placements

Malgré son expérience grandissante et la rigueur qu’elle consacre à son travail, Maude s’inquiète parfois de commettre des erreurs professionnelles. Le professionnel de sa collègue tente d’apaiser cette crainte par la création d’une deuxième société de gestion pour mettre ses placements « à l’abri » des créanciers et des poursuites judiciaires.

Le Guide sur l’exercice de la profession médicale en société du Collège des médecins du Québec explique que la responsabilité professionnelle du médecin demeure inchangée, indépendamment du fait que le médecin exerce en société par actions2. « Autrement dit, le médecin demeure personnellement responsable de ses actes, qu’il exerce en son nom propre ou par l’intermédiaire de sa MD inc. Cette responsabilité personnelle implique que l’ensemble de ses biens pourrait être sujet à saisie en cas de poursuite. Même si les placements sont détenus par la MD inc. ou une deuxième société, le médecin reste propriétaire des actions de celle-ci, et donc indirectement des placements. Par conséquent, ces actions peuvent être saisies, même si une seconde société est interposée. Il est également important de rappeler que les médecins disposent généralement d’une assurance professionnelle pour se protéger contre ce type de risque », précise Audréanne.

Démêler le vrai du faux

La planificatrice et fiscaliste nuance toutefois la pertinence d’avoir plus d’une société. Dans certains cas, cette stratégie peut s’avérer pertinente comme lorsqu’une médecin possède plusieurs immeubles locatifs et souhaite séparer cette activité de sa pratique médicale, ou désire investir avec des partenaires d’affaires. Cela dit, il demeure tout à fait permis de détenir des immeubles à revenus au sein d’une société de gestion3.

Lors de sa rencontre avec le comptable de sa collègue, Maude s’est également fait conseiller la mise en place d’une fiducie et l’achat de certains produits d’assurance vie et maladie grave. Ces options compliquent davantage sa réflexion et elle se questionne sur l’intérêt de toutes ces stratégies.

« Dès qu’on se trouve face à des structures corporatives ou des produits complexes, qu’on a du mal à comprendre, on doit se poser des questions, il ne s’agit pas nécessairement de mauvaises recommandations, mais il faut rester avisé », avertit Audréanne Leblanc. Elle recommande de faire affaire avec des professionnels spécialisés auprès des médecins. « Les structures trop complexes créent de l’anxiété, des frais importants et une perte de temps. Être incorporé et bien gérer ses finances n’a pas besoin d’être aussi compliqué ! »

Vous doutez d’avoir la meilleure structure qui soit pour répondre à vos besoins ? Prenez rendez-vous avec notre équipe pour analyser votre situation et vous assurer d’être sur la bonne voie !

Les renseignements sont fournis à titre informatif seulement et ne constituent pas des conseils financiers, fiscaux, juridiques ou professionnels. Chaque situation étant unique, nous vous recommandons de consulter un professionnel qualifié afin d’obtenir un avis adapté à votre situation personnelle. Le prénom utilisé pour l’illustration est fictif.


1 Voir question 17 : Questions-réponses sur l’exercice en société | Collège des médecins du Québec.

2 Voir section 2.2.2 : Guide sur l’exercice de la profession médicale en société

3 Il existe également d’autres situations qui ne sont pas liées à la détention de placements ou d’immeubles, telles que le fait de détenir les actions d’une clinique médicale ou d’un centre médical. Bien entendu, le texte ne traite pas de ce type de situation, mais plutôt de la création d’une deuxième société strictement à des fins de placements.