Achat d’un chalet par votre société par actions (SPA) : une bonne idée ?
Si vous êtes médecin et détenez une société par actions (SPA) avec des placements importants, vous vous demandez peut-être si votre SPA peut acheter un chalet pour votre usage personnel. Cette option semble intéressante, surtout si vos fonds personnels sont limités et que le retrait d’un dividende de votre SPA entraînerait un impôt pouvant atteindre 48,7 %.
Cas illustratif : Gilbert, omnipraticien
Gilbert*, 54 ans, est le seul actionnaire de Dr Gilbert inc., une SPA fondée en 2008. Il y a accumulé 2,5 M$ en placements. Marié sous le régime de séparation de biens et copropriétaire de la résidence familiale, Gilbert souhaite acheter un chalet d’une valeur de 500 000 $ pour sa famille, mais il n’a pas les fonds nécessaires à titre personnel. Son CELI, REER et ses économies personnelles sont insuffisants.
S’il achète le chalet personnellement, il devra se verser un dividende de 940 000 $ à partir de sa SPA, engendrant environ 440 000 $ d’impôt. Une hypothèque personnelle serait alors envisagée. Pour éviter cela, il se demande donc si sa société pourrait acheter directement le chalet.
Analyse fiscale : l’achat par la SPA
L’acquisition d’un bien personnel par une société implique des conséquences fiscales importantes. Selon les lois fiscales, l’usage personnel d’un bien détenu par une SPA est considéré comme un avantage imposable pour l’actionnaire, même si les règles pour en déterminer la valeur sont floues.
Cet avantage pourrait être évalué de différentes façons :
- La valeur locative du chalet pour un tiers non lié ;
- Un taux de rendement appliqué à la valeur marchande, plus les frais d’exploitation ;
- Dans certains cas rares, la valeur entière du bien, plus les frais annuels, pourrait être considérée comme un avantage imposable immédiat.
Cet avantage est pleinement imposable au taux marginal (jusqu’à 53,3 %), sans être déductible pour la SPA. Chaque année, la société devra produire un feuillet fiscal indiquant cet avantage, réduit du loyer payé par l’actionnaire.
Mise en place d’un bail entre Gilbert et sa SPA
Pour limiter l’impact fiscal, Gilbert signe un bail avec sa SPA et s’engage à verser un loyer mensuel de 4 200 $ (plus de 50 000 $/an), établi avec l’aide d’un courtier immobilier. Le bail est indexé annuellement. Gilbert paie personnellement les frais d’entretien, d’électricité et fournit le mobilier.
Ce bail, à usage de villégiature, n’est pas soumis au Tribunal administratif du logement. Les loyers perçus par la SPA sont imposables, mais elle pourra déduire ses dépenses (taxes foncières, assurances) et amortir l’immeuble. Le revenu net de location est imposé à 50,17 %, mais l’impôt est partiellement remboursable grâce au compte d’IMRTD.
Pour Gilbert, ce loyer n’est pas déductible de son revenu personnel, car le chalet est utilisé à des fins privées.
Taxes de vente (TPS/TVQ)
L’achat du chalet par la SPA pourrait être assujetti à la TPS et à la TVQ, selon plusieurs facteurs. De plus, les loyers versés par Gilbert pourraient devoir inclure ces taxes, et certains crédits de taxes pourraient être réclamés par la société. Ces règles étant complexes, Gilbert consulte un fiscaliste en taxes de vente et ajoute une clause spécifique dans le contrat notarié. L’achat sera aussi soumis à la taxe de bienvenue municipale.
Financement hypothécaire par la SPA
Plutôt que de liquider des placements pour financer l’achat, la SPA pourrait contracter un prêt hypothécaire de 375 000 $ (75 % du prix), à un taux plus élevé que celui d’un particulier. Gilbert devrait probablement agir comme caution et co-emprunteur.
Les intérêts versés par la SPA seraient en principe déductibles de ses revenus locatifs, si le loyer versé par Gilbert est jugé conforme au marché. Ce prêt permettrait aussi d’éviter des gains en capital immédiats en retardant la vente de placements.
Cadre juridique : est-ce permis ?
Selon le Collège des médecins du Québec, une société médicale peut effectuer des placements immobiliers et louer des immeubles, à condition que ces activités demeurent secondaires aux activités professionnelles.
En conclusion
Acheter un chalet via sa SPA peut permettre d’éviter une imposition personnelle élevée, mais comporte des enjeux fiscaux complexes : avantage imposable, règles sur les loyers, taxes de vente, prêt commercial, etc. Une telle transaction nécessite un encadrement rigoureux et la collaboration de spécialistes en fiscalité, en droit et en comptabilité. Le risque de vérification ou de redressement fiscal demeure réel, mais peut être réduit par une documentation adéquate et des conditions de marché respectées.
*Prénom fictif
Ronald Miglierina, notaire, M.Fisc, LL.B., D.D.N., B.A.A. (finance), Pl.Fin., TEP
Planificateur financier, notaire et fiscaliste
Directeur Solutions et planification financière