/  30 juin 2020

L’importance du rééquilibrage des portefeuilles en ces temps troubles

Lorsque les marchés financiers sont extrêmement volatils, l’investisseur peut se demander s’il est pertinent d’en sortir et de prendre une pause pour quelque temps. La plupart des experts s’entendent que cette stratégie n’est pas la meilleure. D’une part, il est pratiquement impossible de connaître à l’avance le moment de l’apogée des marchés pour tout vendre avant une correction significative. D’autre part, il ne semble pas raisonnable de le faire après une telle correction et ainsi réaliser des pertes importantes. Est-ce à dire qu’aucun geste ne devrait être posé ? Non, mais le plus judicieux serait fort probablement de rééquiliber son portefeuille.

Profil d’investisseur et répartition cible

Tout exercice de construction d’un portefeuille de placement passe nécessairement par l’établissement d’un profil d’investisseur. Ce dernier tient compte de plusieurs facteurs (dont les connaissances en investissement, la tolérance au risque et l’horizon de placement) et sert de point de départ pour déterminer la répartition cible du portefeuille, celle vers laquelle on devrait toujours tendre. Qu’elle soit sommaire, élaborée ou encore enchâssée dans une politique de placement, la répartition cible représente la pondération visée pour chaque catégorie d’actifs. Cet équilibre entre les actions et les titres à revenu fixe permet d’exposer le portefeuille au risque (ou à la volatilité) qu’il serait raisonnable d’assumer selon le profil d’investisseur donné.

Respecter sa répartition cible constitue un exercice à accomplir en continu. En effet, les mouvements des marchés financiers éloignent fréquemment le portefeuille de sa répartition cible, car les différentes classes d’actifs d’un portefeuille ne réagissent pas de la même manière aux aléas de la Bourse. Si c’est vrai en temps « normal », ce l’est encore plus en période de grande turbulence dans les marchés.

Un exemple chiffré

Afin d’illustrer ce propos, imaginons un investisseur dont la répartition cible représente 60 % en actions et 40 % en titres à revenu fixe (obligations). Supposons que ce portefeuille est détenu dans un REER d’une valeur marchande de 500 000 $ au 1er janvier d’une année donnée. Si, à cette date, la répartition du portefeuille correspond exactement à sa répartition cible, notre investisseur détient alors 300 000 $ en actions et 200 000 $ en titres à revenu fixe.

Imaginons qu’au cours des six mois suivants, la Bourse performe bien et génère un rendement de 20 %. Durant la même période, une hausse de taux d’intérêt a comme effet de déprimer le marché obligataire, en lui faisant perdre 5 %. Ainsi, au 1er juillet, la valeur marchande de ses actions s’élève à 360 000 $ (300 000 $ + 20 %) et celle des titres à revenu fixe descend à 190 000 $ (200 000 $ – 5 %) pour un portefeuille dont la juste valeur marchande représente 550 000 $. Cet investisseur a donc bénéficié d’un rendement total de 10 % en six mois (550 000 $ contre 500 000 $) pour l’ensemble de son portefeuille.

Or, notre investisseur détient maintenant un portefeuille de 550 000 $ dont plus de 65 % (360 000 $ / 550 000 $) sont investis en actions. Ce constat peut paraître assez anodin, mais si rien n’est fait et que la situation perdure quelques années, il est possible que cet investisseur se retrouve avec un portefeuille beaucoup plus volatil (risqué) que prévu. En termes de gestion des risques, il serait assurément pertinent de rééquilibrer le portefeuille pour revenir à une répartition de 60 % en actions et 40 % en titres à revenu fixe. Cet objectif peut être atteint en transférant 30 000 $ des actions vers les obligations. Ce faisant, le portefeuille sera ramené à sa répartition cible : 330 000 $ (60 %) en actions et 220 000 $ (40 %) en titres à revenu fixe.

Application du principe quand les marchés dégringolent

Maintenant, qu’en est-il lorsque les marchés connaissent une baisse importante? Depuis le début de 2020, les marchés boursiers ont subi une volatilité qu’on peut qualifier d’extrême. L’indice principal de la Bourse de Toronto (S&P/TSX) a terminé l’année 2019 à un niveau de 17 063,43. Continuant sa progression, il a atteint son sommet de 17 944,06 points le 20 février 2020. Il s’en est suivi la correction majeure, amenant l’indice à un creux de 11 228,49, touché le 23 mars 2020, ce qui a fait reculer les marchés de 34 % depuis le début de l’année ou de 37 % depuis son sommet du 20 février.

Même si la Bourse a depuis effacé une bonne partie de ces pertes, revenons à notre exemple. À la suite d’une chute boursière, notre investisseur enregistre une perte de 30 % sur ses actions et un gain de 5 % sur ses titres à revenu fixe. La juste valeur marchande de son portefeuille représente donc 210 000 $ en actions (300 000 $ – 30 %) et 210 000 $ en titres à revenu fixe (200 000 $ + 5 %) pour un total de 420 000 $. En quelques semaines, son portefeuille a fondu de 16 % (420 000 $ contre 500 000 $ initialement).

Au-delà de cette perte, notre investisseur se retrouve maintenant avec un portefeuille de 420 000 $ dont seulement 50 % sont exposés aux marchés boursiers. En situation de pertes, le rééquilibrage ne constitue pas tant un exercice de gestion des risques, mais plutôt une démarche d’optimisation financière. Il serait assurément pertinent de rééquilibrer le portefeuille pour revenir à une répartition de 60 % en actions et 40 % en titres à revenu fixe. Cet objectif peut être atteint en transférant 42 000 $ des titres à revenu fixe vers les actions. Ainsi, le portefeuille sera reparti de la manière suivante : 252 000 $ en actions (soit 60 %) et 168 000 $ en titres à revenu fixe (soit 40 %).

Certains diront qu’il faut une bonne dose de courage pour oser poser un tel geste. En fait, il n’en est rien ; il s’agit plutôt d’une gestion de placements dénuée d’émotion. C’est notamment dans ces situations que votre conseiller -peut vous accompagner !

Afin d’illustrer le fait que ce rééquilibrage constitue un exercice d’optimisation financière, isolons la portion « actions » du portefeuille dans l’exemple précédent. Cette catégorie d’actif a délesté 30 % de sa valeur en passant de 300 000 $ à 210 000 $. Si un rééquilibrage n’est pas effectué, la question se pose : quel rendement doit-on obtenir sur la portion « actions » pour simplement revenir au niveau original ? En fait, les actions doivent récupérer non pas 30 %, mais bien 42,9 % pour que le portefeuille de 210 000 $ vaille 300 000 $. Toutefois, un portefeuille rééquilibré aura besoin d’un rebond de (seulement) 31,7 %1 pour revenir à son niveau avant la chute2.

Supposons maintenant que la Bourse récupère toutes ses pertes. Dans le cas d’un portefeuille qui n’a pas été rééquilibré, la portion « actions » reviendra à son niveau de 300 000 $ (pour un portefeuille total de 500 000 $). La valeur des actions du portefeuille qui a été rééquilibré atteindra 328 108 $ (pour un portefeuille total de 528 108 $)3. Le rééquilibrage aura donc une valeur ajoutée de 5,6 % !

Considérations fiscales

Puisque dans notre exemple, les actifs étaient détenus dans un REER, nous avons pu illustrer le principe de rééquilibrage sans tenir compte de l’aspect fiscal. Il en aurait été de même pour les placements contenus dans un CELI. Notons simplement que si l’on appliquait le même raisonnement à un portefeuille non enregistré détenu personnellement ou dans une société par actions (SPA), des considérations fiscales devraient être prises en compte, notamment gain ou perte en capital, impact sur le compte de dividende en capital pour la SPA, etc.

Indice de la peur et de la cupidité

Bien que la gestion de portefeuille doive être dénuée d’émotions dans la mesure du possible, force est d’admettre que ce principe louable est parfois difficile à appliquer. Les humains sont des êtres d’émotions. Le phénomène de la peur et de la cupidité (Fear and Greed) observable en Bourse fait en sorte que lorsque les décisions de placement sont guidées par la panique (peur), les marchés boursiers chutent bien plus bas que leur valeur réelle : à l’inverse, quand l’euphorie (cupidité) règne, ces derniers dépassent de loin leur valeur réelle.

Ce constat ne fait que souligner le défi que pose le rééquilibrage tant en situation de marché haussier (cupidité) que baissier (peur). Il existe quelques indices pour mesurer l’état d’esprit des investisseurs, notamment l’indice CNN (CNNMoney’s Fear & Greed index) constitue une bonne source d’information.

En terminant

Nous souhaitons porter à votre attention que les divers Fonds équilibrés FMOQ (ex. : le Fonds omnibus FMOQ) appliquent à la lettre ces bons principes de rééquilibrage, ce qui les aura toujours bien servis dans le passé. S’appuyer sur des conseils professionnels en matière de placement demeure toujours pertinent ; ce l’est encore plus en période de fortes turbulences.

 


1 (210 000 $ + 42 000 $) x 1,317 + (210 000 $ – 42 000 $) = 500 000 $

2 Aux fins d’exemple, nous supposons que la portion « obligations » affiche un rendement de 0 %.

3 (210 000 $ + 42 000 $) x 1,429 + (210 000 $ – 42 000 $) = 528 108 $

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