/  09 octobre 2010

L’évolution du prix du pétrole

Dans notre vie quotidienne, nous sommes tous touchés directement par l’évolution du prix du pétrole. En effet, tous les moyens de transport dépendent encore presque exclusivement de cette source d’énergie : automobiles, camions, trains, bateaux et avions.1 La mondialisation de l’économie fait en sorte que les coûts de transport constituent une composante de tous les biens de consommation. De plus, il y a des liens entre le prix du pétrole et la conjoncture économique. D’une part, la croissance économique influe le prix du pétrole, et d’autre part, ce prix a un effet sur la productivité et la stabilité de l’économie.

À la suite de la déréglementation des prix des produits pétroliers aux États-Unis et au Canada en 19852, le prix du pétrole a baissé sous les 20 $ pour un baril3 et s’est maintenu à ce faible niveau jusqu’en 1999. Par après, il a entrepris une remontée qui l’a poussé au sommet historique de 145 $ le baril en juillet 2008 pour chuter à 35 $ dès janvier 2009. L’objectif visé dans ce texte est de présenter et d’analyser les principaux facteurs responsables de l’évolution du prix du pétrole et de sa grande volatilité. Nous traiterons donc tour à tour de la dimension mondiale du marché pétrolier, de la place de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) dans ce marché, de l’influence des spéculateurs et du caractère non renouvelable de cette ressource naturelle.

Comme pour tout autre bien, le prix du pétrole varie en fonction de l’offre et de la demande. Pour en analyser l’évolution, il faut donc considérer les facteurs et les caractéristiques qui sous-tendent cette demande et cette offre.

Le premier point à souligner est la dimension mondiale du marché des produits pétroliers. Le faible coût de transport par des navires géants entraîne une intégration à ce niveau. Ainsi, tout phénomène naturel, économique ou géopolitique fait fluctuer la demande et se répercute sur le prix de la ressource à l’échelle planétaire. Il existe de très grands écarts entre les pays au chapitre de la consommation et de la production. Depuis plusieurs années, les produits pétroliers bruts et raffinés forment le groupe de biens le plus transigé du monde. En 2006, ils constituaient 13 % des biens échangés entre les pays, soit environ 4 milliards de dollars par jour, devançant ainsi le commerce des automobiles (1,5 milliard de dollars par jour) et celui du fer et de l’acier (1 milliard de dollars par jour)4. En 2008, la consommation quotidienne s’et élevée à 84,4 millions de barils dont 65 % ont donné lieu à des échanges internationaux5. L’Amérique du Nord, l’Europe, le Japon et la Chine en sont de grands consommateurs alors que le Moyen-Orient, la Russie et l’Afrique de l’Ouest en sont les principaux fournisseurs. Par exemple, les États-Unis ont consommé 19,4 millions de barils par jour (22,5 %)6 mais n’en ont produit que 6,7 millions (7,8 %) ; ils ont donc dû importer la différence. Par ailleurs, les pays du Moyen-Orient ont produit 26,2 millions de barils par jour (31,9%) et n’en ont consommé que 6,34 millions (7,8%). Ils ont exporté le reste aux quatre coins de la planète.

Un facteur déterminant dans la demande de pétrole est la croissance économique. Ce facteur est plus important pour les pays en voie de développement, surtout pour les pays émergents mais moins pour les pays industrialisés. Ainsi, la demande mondiale de pétrole a crû de 11,3 millions de barils par jour de 1998 à 2007, soit une augmentation de 15,3 %7. À elle seule, la Chine a vu sa consommation s’élever de 3,51 millions de barils quotidiennement durant cette période, soit une hausse de plus de 30 %. Par contre, la demande américaine n’a progressé que de 1,8 million de barils par jour, soit de 9,3 % et celle du Japon a décliné de 0.5 million de barils par jour. La récession actuelle, qui a commencé en 2008,  a laissé sa marque, la demande mondiale de pétrole ayant reculé après plus de vingt ans de croissance continue. L’augmentation des prix a également contribué à ce déclin.

Les rajustements de la consommation des produits pétroliers peuvent s’échelonner sur plusieurs années. Par exemple, les propriétaires de véhicules automobiles ne remplacent pas immédiatement leur véhicule dès que le prix de l’essence monte ou descend. Par contre, ils prennent ce facteur en considération au moment de l’achat d’un nouveau véhicule.

Des contraintes s’appliquent également pour l’ajustement de l’offre de pétrole. Il faut du temps et de l’argent pour découvrir et mettre en exploitation de nouveaux gisements. L’offre s’ajuste au prix, mais avec un retard. Ainsi, l’augmentation des prix depuis l’an 2000 a été causée non seulement par la croissance de la demande, mais aussi par la faible capacité de production attribuable aux bas prix des quinze années précédentes. À plus long terme, le changement technologique qui a rendu possible le forage en mer et le forage horizontal permet d’exploiter des ressources jusque-là considérées comme non accessibles et non économiques.

Cette capacité réduite de rajustement de l’offre et de la demande est la principale cause de la volatilité du prix du pétrole. Un accroissement accéléré de la demande ou encore une interruption d’une source d’approvisionnement entraîne rapidement une hausse du prix, ce qui donne lieu à la création de produits dérivés utilisés par les producteurs et les grands consommateurs pour stabiliser les prix de leurs opérations. Cette situation ouvre aussi la porte aux spéculateurs. Il est bon de rappeler que ces derniers ne consomment pas et ne produisent pas de pétrole. Ils n’ont donc pas d’influence sur l’évolution du prix à long terme. Par contre, ils peuvent accélérer des mouvements de hausse ou de baisse à court terme.

Du côté de la structure du marché, un élément important est le rôle actif de l’OPEP, un cartel dont l’objectif avoué est de contrôler les prix du pétrole. À la suite des chocs pétroliers des années 1970, l’OPEP a dû faire face à la concurrence des États non membres et aussi à l’indiscipline de ses membres qui veulent produire lorsque les prix sont élevés, ce qui fait évidemment baisser ces prix. La hausse continue de la demande depuis plus de vingt ans a redonné une nouvelle vigueur à l’OPEP qui a fourni 45 % de la production en 2008. De plus, certains pays du Moyen-Orient possèdent plus de 65 % des réserves connues. L’OPEP demeure donc un acteur important qui influe à la fois sur le niveau et la variabilité du prix du pétrole.

Le pétrole est une ressource non renouvelable, c’est-à dire que l’écorce terrestre en contient une quantité précise. C’est donc une ressource épuisable. La question pertinente est de savoir quand cette ressource sera épuisée. Les économistes ont consacré beaucoup d’efforts pour mesurer cette rareté absolue, mais sans succès. L’épuisement de cette ressource ne surviendra pas dans un proche avenir même si son prix devrait être en légère progression et soumis à des soubresauts. La fin de l’exploitation pétrolière surviendra probablement lorsqu’une autre source d’énergie moins coûteuse le remplacera sans qu’il y ait eu épuisement.

1 Quelques voies ferrées sont alimentées à l’électricité, et certains véhicules automobiles utilisent le gaz naturel comme carburant.

2 Les crises pétrolières de 1973 et de 1979 avaient amené beaucoup de pays industrialisés à contrôler les prix des produits pétroliers de l’extraction jusqu’à la consommation.

3 Ce prix fait référence au West Texas Intermediate et est coté en dollars américains. D’autres types de pétrole brut sont aussi utilisés comme référence, soit l’Arabian Light pour le pétrole de l’Arabie Saoudite ou le Brent pour le pétrole de la mer du Nord.

4 United Nations, Commodity Trade Statistics Database, 2006, 2009.

5 BP Statistical Review of World Energy, juin 2009.

6 Le chiffre entre parenthèses est le pourcentage à l’échelle mondiale.

7 BP Statistical Review of World Energy, juin 2009.