/  15 mars 2010

Les dons aux enfants

Beaucoup de mythes circulent au sujet de ce que l’on peut ou non donner à nos enfants de notre vivant.  On pense souvent, à tort, qu’il y a des limites au-delà desquelles les autorités fiscales réclameront elles aussi leur part du gâteau.

Il faut d’abord savoir que le Canada et le Québec n’ont pas retenu le concept de l’impôt sur les dons qui existe dans de nombreux pays autour du globe, dont les Etats-Unis et la France.  Cependant, comme ailleurs, nos autorités fiscales considèrent que le don d’un bien constitue une disposition, soumise, pour la personne qui donne, aux mêmes impôts que si le bien avait été vendu.

Or, la disposition d’un bien n’occasionne pas toujours un impôt sur le revenu.  Par exemple, lorsqu’une personne vend sa résidence principale et qu’elle n’a désigné aucun autre immeuble à ce titre pendant toutes les années où elle était propriétaire de cette résidence, la vente profitera d’une exonération n’aura pas de répercussion fiscale pour le vendeur.  Également, le fait d’encaisser un certificat de placement garanti ou un dépôt à terme d’un établissement financier   constitue aussi une disposition du point de vue fiscal, mais aucun impôt n’est alors exigible puisque ces biens n’augmentent pas en valeur. En fait, ils entraînent plutôt un revenu d’intérêt qui, lui, est imposable au fur et à mesure qu’il est gagné.  Ainsi, si un parent donnait sa résidence principale ou encore un placement garanti de 25 000 $ par exemple, il n’y aurait alors aucune répercussion fiscale, ni pour le parent, ni pour l’enfant.

À l’opposé, si une personne donne un bien qui lui aurait occasionné un gain en capital lors d’une vente à une personne avec laquelle il ou elle n’avait aucun lien, ce don aura des conséquences fiscales pour celui ou celle qui donne le bien.  En effet, les autorités fiscales traiteront alors la transaction comme si la personne qui donne le bien l’avait vendu à sa juste valeur marchande.  Un impôt sera donc calculé sur la moitié de l’augmentation de la valeur du bien.  Par exemple, un médecin décide de donner le chalet familial à son enfant, alors que ce chalet vaut 250 000 $. Si le médecin avait payé 150 000 $ lors de l’acquisition du chalet, il devra inclure la moitié du gain en capital de 100 000 $ qu’il a réalisé (soit la différence entre la valeur marchande du chalet (250 000 $) et son coût d’acquisition (150 000 $)) dans sa déclaration de revenus pour l’année du don.  En supposant un taux d’imposition de 40 %, le médecin devrait payer 20 000 $ d’impôts (soit 50 000 $ de gain en capital imposable à un taux de 40 %).  Le récipiendaire du don (l’enfant du médecin dans notre exemple) ne subira quant à lui aucune imposition.  De même, lorsque cet enfant voudra vendre le chalet, son coût d’acquisition aux fins du calcul du gain en capital qu’il pourrait alors réaliser sera de 250 000 $, soit la valeur marchande du bien lors du don.

Tout n’est cependant pas toujours aussi rose.  Les problématiques associés au transfert de biens du vivant par des parents en faveur de leurs enfants surviennent principalement lorsque les parents ne souhaitent pas faire un vrai don, mais veulent plutôt avantager un enfant en lui transférant un bien à un « prix de faveur ».  Prenons le même exemple du médecin qui veut transférer, à son enfant, le chalet familial d’une valeur de 250 000 $.  Supposons cette fois que le médecin a encore un solde d’hypothèque impayé sur le chalet de 100 000 $ et qu’il aimerait « donner » le chalet à son enfant, à condition que ce dernier assume le solde de l’hypothèque.  Dans ce cas, les règles fiscales créeront une double imposition de la façon suivante.  Pour le médecin, les conséquences seront les mêmes que précédemment, à savoir que les autorités fiscales traiteront la transaction comme si le médecin avait vendu le chalet à sa juste valeur marchande.  Si le médecin avait payé 150 000 $ lors de l’acquisition du chalet, il devra inclure la moitié du gain en capital de 100 000 $ qu’il a réalisé dans sa déclaration de revenus pour l’année du don.  En supposant un taux d’imposition de 40 %, le médecin devrait payer 20 000 $ d’impôts. Pour l’enfant cependant, le coût d’acquisition du chalet sera de 100 000 $, soit le solde de l’hypothèque, et non de 250 000 $.  Ainsi, si l’enfant devait revendre le chalet à un tiers dans la même année, il réaliserait lui aussi un gain en capital calculé sur la différence entre le prix de vente du chalet (disons 250 000 $) et son coût d’acquisition de 100 000 $.  Il devrait alors inclure la moitié de son gain en capital de 150 000 $ dans sa déclaration de revenus. En supposant à nouveau un taux d’imposition de 40 %, il devrait payer un impôt de 30 000 $ (soit 40 % de 75 000 $).

On peut conclure de ces explications que les autorités fiscales n’acceptent pas que des personnes qui sont liées (par le sang,  le mariage, l’union de fait ou l’adoption) se transfèrent des biens pour une contrepartie située entre le don pur (0$) et la juste valeur marchande.

L’autre bête noire des autorités fiscales réside dans les transferts de biens ayant pour objectif le « fractionnement de revenus ».  Même s’il n’existe aucune limite à la valeur des biens que l’on peut transférer à nos enfants, les autorités fiscales refuseront de reconnaître les effets de certains transferts de biens effectués dans le seul but de réduire les revenus du parent et d’augmenter ceux des enfants.  À cet égard, les transactions les plus durement pénalisées sont les transferts de biens ou la remise de revenus d’entreprises à des enfants mineurs et les prêts sans intérêts ou à faible taux d’intérêts consentis aux enfants majeurs.

Le principe est bien simple.  Supposons que Maman gagne des revenus professionnels de plus de 150 000 $ et qu’elle a accumulé des placements garantis d’une valeur de 500 000 $.  Les revenus d’intérêts générés par ses placements s’ajoutent annuellement à ses revenus de profession de sorte qu’ils sont taxés à un taux d’imposition d’environ 38 %.  Maman se dit qu’elle pourrait peut-être transférer 200 000 $ à chacun de ses enfants mineurs qui, eux, n’ont aucun autre revenu, de façon à ce que les revenus d’intérêts générés par ce capital soient imposés dans les déclarations de revenus des enfants.  En tant que tutrice, elle conserverait la gestion de ces sommes et elle pourrait utiliser les revenus après impôts pour acquitter les dépenses d’éducation, d’entretien et de loisir des enfants.  Hélas, les autorités fiscales ne verront pas cette transaction du même œil et c’est plutôt Maman qui continuera d’être imposée sur les revenus produits par le capital qu’elle aura donné aux enfants.  C’est ce que les lois fiscales appellent les « règles d’attribution ».

Heureusement, il existe des façons tout à fait légales de fractionner ses revenus avec des enfants, même mineurs.  C’est le cas notamment lorsque les biens donnés n’entraînent que des gains ou des pertes en capital (par exemple, certaines actions ou certains fonds communs de placement) ou encore lorsque le parent ouvre un régime enregistré d’épargne-études au bénéfice de l’enfant.

En conclusion, à l’instar de toute question de nature économique ou financière, il est important de bien vérifier les conséquences fiscales d’un don au préalable. On évitera ainsi des surprises qui pourraient nous faire regretter notre générosité. Pour plus d’information à ce sujet, n’hésitez pas à prendre contact avec les conseillers de notre équipe.