/  01 août 2020

Les directives médicales anticipées : pour y voir plus clair

Tout adulte apte est le seul à pouvoir décider des soins qu’il accepte ou refuse de recevoir, quelle qu’en soit la nature. Il en va ainsi pour l’ensemble des traitements, examens et interventions de nature médicale, psychologique ou sociale requis ou non par son état de santé. Il en est de même pour ses soins de fin de vie.

 

Ces droits sont prévus par le Code civil du Québec et par les chartes des droits et libertés québécoise et canadienne qui consacrent notamment le droit à l’autodétermination de la personne. Un individu peut ainsi consentir à des soins, mais aussi les refuser ou demander l’interruption d’un traitement même si cela risque d’entraîner son décès.

 

Or, que se passe-t-il si un individu devient incapable, temporairement ou non, de manifester sa volonté au moment de consentir à ces soins ? Qui décidera pour lui ? Ses volontés seront-elles respectées ?

 

Heureusement, il est possible d’exprimer à l’avance ses volontés à cet égard. Plusieurs options peuvent être envisagées dont les directives médicales anticipées (« DMA »). Les autres options seront brièvement abordées un peu plus loin.

 

Les DMA ont été instaurées en 2015 par la Loi concernant les soins de fin de vie. Elles permettent aux personnes majeures et aptes qui le souhaitent d’exprimer à l’avance leur consentement ou leur refus de recevoir certains soins médicaux qui pourraient être requis par leur état de santé.

 

Conditions d’application

Les DMA seront utilisées uniquement si la personne concernée n’est pas en mesure de consentir aux soins pendant qu’elle se trouve dans l’une des situations cliniques suivantes :

  • elle souffre d’une condition médicale grave et incurable, et est en fin de vie;
  • elle est dans un état comateux jugé irréversible ou dans un état végétatif permanent; ou
  • elle est atteinte de démence grave, sans possibilité d’amélioration.

 

Par ailleurs, les seuls soins que les DMA permettent d’accepter ou de refuser sont les suivants :

  • réanimation cardiorespiratoire;
  • ventilation assistée par un respirateur ou par tout autre support technique;
  • traitement de dialyse;
  • alimentation forcée ou artificielle; et
  • hydratation forcée ou artificielle.

 

Les DMA ont une valeur contraignante : les professionnels de la santé y ayant accès sont obligés de les respecter. Si ce n’est pas le cas, un proche de la personne inapte peut demander au tribunal d’ordonner à l’équipe médicale de se plier aux DMA.

Démarche

Les DMA peuvent être faites devant notaire ou au moyen du formulaire Directives médicales anticipées en cas d’inaptitude à consentir à des soins signé devant deux témoins. Le caractère réglementé de leur forme et de leur contenu permet d’éviter toute interprétation pouvant les rendre inapplicables.

 

Par ailleurs, pour que les DMA d’une personne puissent être appliquées, il est important de s’assurer qu’elles puissent être retracées facilement et rapidement. C’est pourquoi la Loi a prévu la création d’un registre des DMA. Lorsque l’acte notarié (ou le formulaire prescrit) est dûment complété, il est conseillé de le déposer dans ce registre auquel peuvent accéder uniquement les personnes autorisées par la Loi, notamment les médecins.

 

Les DMA peuvent également être remises à un professionnel de la santé qui les déposera au dossier médical du patient, en s’assurant, au préalable, qu’elles sont toujours conformes aux volontés de la personne concernée.

 

Fonctionnement

Lorsque le médecin constate l’inaptitude d’une personne à consentir aux soins, il consulte le registre des DMA. Il doit le faire dans une situation de fin de vie ou d’atteinte sévère et irréversible aux fonctions cognitives (ex. : un coma irréversible ou une démence grave sans possibilité d’amélioration). Si des DMA concernant cette personne s’y trouvent, il les verse à son dossier médical.

 

Les DMA peuvent être révoquées en tout temps par leur auteur au moyen d’un formulaire prescrit à cet effet. Elles peuvent également être modifiées, mais seulement par la rédaction de nouvelles directives, lesquelles remplacent alors celles rédigées antérieurement.

 

En cas d’urgence, leur auteur, s’il est toujours apte, peut également les révoquer verbalement en exprimant des volontés différentes de celles se trouvant dans ses DMA.

 

Le médecin qui constate un changement significatif de l’état de santé d’une personne apte à consentir aux soins doit, si des DMA ont été versées à son dossier, vérifier auprès d’elle si ces directives correspondent toujours à ses volontés.

 

Les DMA ne permettent pas d’exiger des soins de santé non pertinents du point de vue médical ou non appropriés dans les circonstances. Il est également impossible de formuler une demande d’aide médicale à mourir au moyen des DMA.

 

Toute personne démontrant un intérêt pour la personne inapte, le médecin ou même l’établissement de santé où elle se trouve peut contester les DMA devant le tribunal. Pour invalider les DMA, en tout ou en partie, il faudra prouver que la personne était déjà inapte au moment de la rédaction de ses DMA ou que les volontés qui y figurent ne correspondent pas à celles qu’elle aurait normalement exprimées dans une situation similaire.

 

Alternative aux DMA

Les DMA constituent un outil formidable pour faire valoir ses volontés à l’égard des soins de fin de vie en cas d’inaptitude. D’ailleurs, les DMA prévalent sur les volontés exprimées dans tout autre document; elles sont contraignantes, facilement accessibles et n’impliquent l’intervention d’aucun tiers pour leur mise en œuvre. Toutefois, elles sont limitées à des situations cliniques et à des soins bien précis.

 

D’autres moyens existent pourtant pour faire connaître ses volontés de soins de fin de vie ou encore préciser celles énoncées dans les DMA. Le patient peut en discuter avec son médecin, lequel les consignera dans son dossier médical au moyen d’un formulaire Niveaux de soins et réanimation cardiorespiratoire. Ce formulaire détaille les préférences du patient concernant les examens, les soins ou les traitements à recevoir.

 

Le mandat de protection en prévision de l’inaptitude permet au mandataire désigné d’accepter ou de refuser pour son mandant les soins de fin de vie proposés. Ce document offre plus de souplesse que les DMA en matière d’instructions relatives aux soins de fin de vie et aussi quant à la façon dont la personne désire que la fin de sa vie se déroule. Toutefois, le mandat ne prend effet qu’après son homologation par le tribunal, soit lorsque l’inaptitude de la personne et la validité du mandat sont constatées. Si le mandat n’a pas été homologué au moment où il faut consentir aux soins, les dispositions qu’il contient pourront néanmoins servir de guide au représentant de la personne inapte.

 

Finalement, il est possible de rédiger un document appelé « testament de vie » ou « testament biologique » dans lequel sont exprimées les volontés de soins en cas d’inaptitude de son auteur. Ce document pourra être utilisé comme guide par la personne appelée à représenter la personne devenue inapte.

 

Toutefois, le mandat de protection et le testament biologique n’ont pas le caractère impératif des DMA. Le Code civil du Québec impose certaines balises supplémentaires au mandataire qui devra, en tentant de faire respecter les volontés énoncées dans ces documents, « s’assurer que les soins seront bénéfiques, malgré la gravité et la permanence de certains de leurs effets, qu’ils sont opportuns dans les circonstances et que les risques présentés ne sont pas hors de proportion avec le bienfait qu’on en espère ».

 

En l’absence de DMA et de représentant légal, les décisions relatives aux soins de fin de vie seront confiées au conjoint de cette personne si elle est mariée ou en union de fait ou civile. À défaut de conjoint, ou en cas d’empêchement de celui-ci, ce sera un proche parent ou une personne qui démontre pour elle un intérêt particulier. Il faut agir dans l’intérêt de la personne inapte et faire respecter, dans la mesure du possible, les volontés qu’elle a exprimées alors qu’elle était apte à le faire.

 

En conclusion

Finalement, il faut souligner que même si un individu a préparé des documents relatifs à ses soins de fin de vie, le Code civil du Québec prévoit que le personnel médical n’a pas à obtenir le consentement aux soins lorsqu’il ne peut être obtenu en temps opportun en cas d’urgence et lorsque la vie du patient est en danger ou son intégrité menacée.

 

Au moment de préparer vos volontés de soins en prévision de l’inaptitude, il est important de réfléchir à vos valeurs et d’en discuter avec vos proches. Cela permettra de réduire leurs doutes et leurs craintes dans l’éventualité où ils vous représenteront dans la mise en œuvre de vos volontés.