/  19 mars 2002

L’effet de levier : Attention! Danger !

« Emprunter pour investir. » « S’enrichir avec l’argent des autres. » Voilà deux formules couramment utilisées par les adeptes du financement des placements par emprunt, une pratique qui consiste à payer une partie d’un investissement par un emprunt auprès d’une maison de courtage qui ouvre un compte sur marge, ou d’une institution financière qui consent un prêt dit « de levier ».

Couramment appelée « effet de levier », cette pratique consiste en « l’amplification du rendement d’un placement à l’aide de capitaux empruntés, de comptes sur marge ou de titres qui n’exigent en paiement qu’une fraction de la valeur des titres visés (par exemple, des options, des droits de souscription ou des bons de souscription. »1

Pour des raisons évidentes, cette pratique est assujettie à des règles très strictes, notamment quant au montant maximum du prêt qui peut être accordé. En règle générale, les maisons de courtage prêtent jusqu’à un maximum de 70 % de la valeur d’un titre, tandis que les institutions financières consentent des prêts de levier « deux pour un » (2 :1) ou « trois pour un » (3 :1), c’est-à-dire qu’elles prêtent jusqu’à deux ou trois fois la mise de fonds initiale de l’investisseur.

Cette façon d’investir est d’autant plus attrayante qu’elle permet d’investir davantage et d’accroître les gains lorsque les marchés sont en hausse, et de déduire du revenu imposable les intérêts à payer sur un emprunt pour fin d’investissement non enregistré.

Bravo pour les marchés à la hausse, mais advenant une baisse des marchés …

Prenons un exemple. Si la valeur d’un portefeuille de 100 000 $, structuré sans effet de levier, baisse de 10 000 $, la perte est de 10 %. Si le même portefeuille était structuré avec un effet de levier de 3:1 (un investissement de 25 000 $ avec un prêt de 75 000 $), la même baisse de 10 000 $ se traduirait par une perte de 40 % du capital investi.

De fait, si l’effet de levier a un effet amplificateur sur les rendements positifs, il en va de même pour les pertes qui peuvent devenir très importantes lorsque les marchés chutent.

Comme le prêteur garantit la totalité des placements effectués, l’emprunteur est exposé à un appel de marge si la valeur de ces placements diminue et si le prêt ne respecte plus les ratios maximums fixés. Le cas échéant, l’investisseur doit alors rembourser immédiatement une partie de l’argent emprunté ou accepter qu’une partie du placement soit vendue pour rééquilibrer le ratio emprunt-valeur préétablie. Il est cependant possible d’obtenir des prêts « sans appel », moyennant un taux d’intérêt majoré.

Somme toute, l’effet de levier n’a d’utilité que si le rendement du placement excède le coût de financement. Son utilisation devrait toujours être conditionnelle à l’assurance que les intérêts payés sont effectivement déductibles. Or, contrairement à la croyance populaire, cette possibilité n’est pas automatique, puisque les investissements doivent être effectués dans des programmes non enregistrés.

Tant et aussi longtemps que la valeur d’un investissement s’accroît à un taux supérieur au coût d’emprunt, l’effet de levier peut être efficace pour accroître le rendement. Mais si les taux d’intérêt et l’inflation sont en hausse, le coût d’emprunt augmente et les gains diminuent.

À l’évidence, l’effet de levier n’est pas pour tout le monde : il concerne les investisseurs aguerris et non pas les « petits épargnants ». Et puisque cette pratique consiste d’abord et avant tout à surinvestir, il ne devrait être utilisé que dans le cadre d’une planification financière rigoureuse prévoyant un horizon d’investissement à long terme, c’est-à-dire d’au moins 10 ans.

  1. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières2 ont formulé les conseils suivants à l’intention de ceux qui songent à emprunter pour investir :
  2. Comprenez les risques inhérents au fait d’emprunter pour investir.
  3. Assurez-vous que les investissements à crédit correspondent à votre niveau de tolérance au risque.
  4. N’empruntez qu’un montant que vous savez pouvoir rembourser.
  5. Comprenez parfaitement les modalités de votre emprunt relatives aux intérêts et au remboursement.
  6. Sachez exactement combien d’argent vous perdrez dans la pire éventualité.

Assurez-vous que l’intérêt sur votre emprunt soit déductible de votre revenu imposable.
Les conseillers de la société Les Fonds d’investissement FMOQ inc. font leurs ces conseils empreints de réalisme et de prudence. Consultez-les avant de vous aventurer dans cette voie hasardeuse qu’est l’effet de levier.

1 IFIC – Glossaire de l’Institut des fonds d’investissement du Canada (site Internet)
2 Autorités canadiennes en valeurs mobilières. Le levier financier : une stratégie qui ne convient pas à tout le monde. Communiqué de presse, 23 janvier 2001