/  01 septembre 2023

L’art du décaissement d’une SPA – I

Vous êtes actionnaire d’une société par actions (SPA) et souhaitez connaître vos options de décaissement et le taux d’imposition de vos retraits ? Voici le résumé de quelques stratégies analysées au regard de votre situation.

La SPA, entité juridique distincte de ses actionnaires, a un statut de contribuable aux fins de l’impôt sur le revenu. Possédant son propre patrimoine, ses éléments d’actifs n’appartiennent pas directement à ses actionnaires. Aussi, lorsqu’un actionnaire souhaite utiliser ou encaisser à titre personnel des fonds ou actifs d’une SPA, il existe des incidences fiscales et juridiques, que nous détaillons ci-dessous.

Salaire et dividende : avantages comparés

Le salaire

Si vous exercez votre pratique médicale au sein d’une SPA, cette dernière peut vous verser un salaire en compensation du travail effectué pour elle. Le salaire constitue un revenu imposable pour le particulier, et pour la SPA une dépense déductible du revenu d’entreprise, ce qui réduit ses impôts.

Comme salarié, vous êtes assujetti aux retenues à la source : impôts, RRQ, RQAP et assurance-emploi. En contrepartie, vous pouvez cotiser à des régimes de retraite (REER, RVER et RRI), être admissible aux prestations du RQAP et de l’assurance-emploi (sauf exception) et déduire des frais de garde d’enfants. La SPA, de son côté, doit payer les cotisations d’employeur : RRQ, RQAP, assurance-emploi, CNESST et Fonds des services de santé.

En travaillant pour votre SPA vous pouvez donc vous verser un salaire, un dividende ou une combinaison des deux. Cependant, vous devrez vous payer en dividende seulement si vous ne livrez pas de services à votre société, car vous êtes à la retraite (ou parce que votre SPA ne gère que des placements),

Le dividende

Le versement d’un dividende constitue l’option privilégiée lorsqu’un salaire ne convient pas. Qui peut recevoir un dividende ? Vous, à titre d’actionnaire, ainsi que le bénéficiaire d’une fiducie, dès lors qu’il y a détention des actions de la société comportant le droit au dividende. La SPA, comme toute société privée, est en mesure de verser un dividende, qu’elle exploite votre entreprise médicale ou une autre entreprise active. Les sociétés de placements et celles détentrices d’immeubles locatifs ont aussi cette possibilité.

Les dividendes (contrairement au salaire) ne sont pas déductibles du revenu imposable de la SPA. Aussi le dividende est généralement versé à même les bénéfices non répartis (BNR) de la société. Ceux-ci s’accumulent année après année et sont calculés après le paiement des impôts annuels de la société. Puisqu’ils ne sont pas déductibles du revenu pour la société, les dividendes sont moins imposés pour l’actionnaire.

Trois catégories de dividendes peuvent être versées par une société privée : dividende déterminé, non déterminé (ou ordinaire) et en capital. Les deux premiers sont imposables pour l’actionnaire. Le troisième ne l’est jamais.

Les dividendes déterminés et non déterminés

Le versement de dividendes déterminés et non déterminés dépend de la nature et du montant des revenus gagnés par la société (revenu d’entreprise ou revenu de placements). Les dividendes déterminés sont moins imposés que les dividendes ordinaires. Pour les verser, une SPA doit avoir un compte de revenu à taux général (CRTG).

Ces deux types de dividendes peuvent donner droit à des retours d’impôt pour la société. Le remboursement est calculé en fonction de l’impôt fédéral déjà payé sur ses revenus de placements et dépend du solde de ses deux comptes fiscaux d’impôt en main remboursable au titre de dividendes (IMRTD).

Depuis le 1er janvier 2018, tout dividende imposable versé à un individu par une société privée est imposé au taux maximum (sauf s’il bénéficie d’une exclusion). Cette règle s’applique à tout actionnaire y compris l’actionnaire principal, que le versement soit fait par l’entremise d’une fiducie ou non. Les exclusions concernent notamment les heures travaillées, l’absence d’un « particulier source » et le dividende versé au conjoint d’un actionnaire de 65 ans et plus.

Les dividendes intersociétés

Certains médecins sont actionnaires de deux sociétés, une société médicale et une société qui détient des placements. Habituellement des dividendes peuvent être versés par la société médicale en faveur de la société de placements, directement ou par l’entremise d’une fiducie. En général, les dividendes déterminés et non déterminés ne sont pas imposables pour la société de placements. Cependant, ils pourront l’être de manière exceptionnelle à titre de gain en capital.

Les dividendes en capital

Le dividende en capital n’est jamais imposable, qu’il soit versé à un individu ou à une autre société par actions, par l’entremise d’une fiducie ou non. Toutefois, un solde positif dans votre compte de dividende en capital (CDC) est nécessaire. De plus, et il faudra produire certains formulaires auprès des autorités fiscales.

Votre CDC se compose principalement de la portion non imposable de tout gain en capital réalisé par votre SPA (50 %), de tout dividende en capital reçu d’une autre société privée et de tout produit d’assurance-vie encaissé au décès d’un assuré (après ajustements). Le CDC est cependant réduit par la portion non déductible de toute perte en capital subie par la société (50 %).

Si vous avez besoin de fonds et que votre SPA détient des placements dont la plus-value non réalisée est importante, il existe une technique plus avantageuse que simplement se verser un dividende imposable : votre société peut vendre ces placements afin de réaliser volontairement un gain en capital. Votre SPA paiera de l’impôt, mais elle augmentera ses comptes fiscaux CDC et IMRTD. Ainsi elle pourra ensuite vous verser un dividende en capital et un dividende non déterminé. Ce dernier lui permettra d’obtenir un remboursement d’impôt de son compte IMRTD.

Concrètement, pour verser un dividende, les administrateurs d’une société doivent simplement adopter une résolution à cet effet. Les dividendes ainsi versés ne sont jamais assujettis à une retenue d’impôt.

Les sommes dues par la société à son actionnaire

En consultant le bilan de votre SPA, vous verrez peut-être un poste intitulé « Prêts et avances dus à l’actionnaire ». Il s’agit d’une dette de la société envers vous, créée lorsque vous lui avez consenti un prêt d’argent, une avance, ou si elle a acheté un actif auprès de vous dont le prix est payable plus tard. La vente d’une police d’assurance-vie à votre société avant 2016 en est un exemple classique.

Comment ces dettes sont-elles traitées sur le plan fiscal ? Le remboursement de ce passif est toujours non imposable pour l’actionnaire, alors que le versement est non déductible pour la société. Mais si la somme due implique le versement d’intérêts, ceux-ci constituent un revenu de placements pleinement imposables pour l’actionnaire. En fonction des circonstances particulières entourant la création de la dette, le versement d’intérêts pourrait être déductible du revenu de la société.

Les prêts et avances consentis par la société à son actionnaire

Au lieu de vous verser un salaire ou un dividende imposable, la société pourrait-elle tout simplement vous consentir un prêt ou une avance de fonds pour une durée indéterminée et qui ne sera jamais remboursé ?

Oui, mais les lois fiscales prévoient ce scénario. Par conséquent, le montant total du prêt ou de l’avance constituent un revenu pleinement imposable (dans l’année de l’encaissement des fonds). Cette règle s’applique tant à l’actionnaire qu’aux membres de sa famille, peu importe si le prêt porte intérêt ou non. De plus, il ne sera pas déductible pour la société. Au moment de rembourser la société, l’actionnaire aura tout de même droit à une déduction de son revenu imposable.

Une exception mérite votre attention : si vous remboursez le prêt ou l’avance avant la fin de l’exercice financier qui suit celui au cours duquel vous l’avez reçu, le montant total ne sera pas imposable. Dans ce cas, si le prêt ou l’avance ne porte pas intérêt, vous serez imposé sur un revenu d’intérêt fictif, calculé au taux prescrit des gouvernements pour toute sa durée.

Plutôt que de vous verser des fonds, la SPA pourrait-elle acheter un bien à usage personnel de grande valeur, par exemple une résidence familiale ou secondaire ? Oui, les lois fiscales prévoient que l’actionnaire sera imposé annuellement sur la valeur d’un avantage conféré par la société. La valeur est établie au cas par cas. Il est possible d’éviter l’octroi d’un avantage imposable, par exemple via le versement par l’actionnaire d’un loyer raisonnable, mais le succès de cette stratégie n’est pas garanti.

Dans le prochain numéro, vous en apprendrez davantage sur le rachat d’actions et le transfert d’actifs. À suivre

L’art du décaissement d’une SPA – II

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