/  19 avril 2004

En cas d’incapacité – II

Notre régime juridique nous permet de nommer diverses personnes pour agir en notre nom lorsque nous ne nous sommes plus en mesure de le faire. Il existe des différences importantes quant aux rôles et aux responsabilités de ces intervenants, que nous avons commencé à expliquer dans la chronique précédente. Aujourd’hui, nous traitons des rôles du tuteur et du mandataire. La troisième et dernière chronique sera consacrée aux régimes de protection.

LE TUTEUR

Le tuteur est la personne qui doit agir pour le bénéfice d’un enfant mineur (c’est-à-dire âgé de moins de 18 ans) ou d’une personne considérée inapte par la loi. Le parent d’un enfant est automatiquement son tuteur, sauf s’il est déchu de son autorité parentale.

Il est maintenant possible de désigner un tuteur par testament. En l’absence de testament, le tuteur sera nommé par le tribunal.

Au décès du dernier parent de l’enfant, la personne nommée sera appelée à agir au nom de ce dernier, à administrer ses biens et à veiller à son bien-être.

Le rôle du tuteur en est un de simple administration par opposition à celui de pleine administration, ce qui signifie que c’est la protection du patrimoine plutôt que l’accroissement de sa valeur qui lui incombe. De fait, le tuteur a davantage un rôle de conservateur du patrimoine qu’il doit remplir jusqu’à ce que le mineur puisse légalement assumer la gestion de ses biens, soit jusqu’à ce qu’il ait 18 ans, âge légal de la majorité.

Il faut noter que la loi prévoit certaines formalités strictes et parfois contraignantes dans le cas d’un héritage de plus de 25 000 $ à un bénéficiaire mineur.

La nomination d’un fiduciaire peut alléger considérablement la charge d’un tuteur en lui évitant de se soucier des finances de l’enfant mineur qui hérite. En pareil cas, il n’a qu’à veiller au bien-être physique et moral de ce dernier.

LE MANDATAIRE

Un mandataire est une personne chargée d’en représenter une autre dans l’exécution de certains actes. Les pouvoirs du mandataire en sont de simple administration, sauf si le mandant (c’est-à-dire la personne qui donne le mandat) a prévu des pouvoirs plus étendus.

LE MANDAT EN CAS D’INAPTITUDE

Le mandat en cas d’inaptitude a pour but de confier à un mandataire des pouvoirs précis advenant le cas où une personne est incapable d’assurer sa propre protection ou d’administrer elle-même ses biens.

Même si la loi prévoit différents régimes de protection pour une personne majeure, cette dernière peut déterminer elle-même d’avance les paramètres de son propre régime de protection, pour autant qu’elle possède toutes ses facultés.

Comme le testament n’est valide et ne peut être pris en considération qu’au jour du décès, la famille immédiate (conjoint, enfants) ou les proches (amis, collègues) d’une personne ne sont pas automatiquement autorisés à gérer ses biens ou ses finances en cas d’inaptitude. En pareilles circonstances, il faut une autorisation du tribunal.

La rédaction d’un mandat en cas d’inaptitude permet donc de choisir nous-même la personne (le mandataire) qui agira pour nous en cas d’inaptitude. On évite ainsi de laisser cette décision à l’arbitraire de parents, d’amis ou d’un avocat du ministère
de la Justice. Toutefois, le mandataire ne pourra exercer ses responsabilités que lorsqu’il se sera présenté devant un tribunal pour faire constater l’inaptitude du mandant. C’est ce qu’on appelle « l’homologation de mandat ».

Le mandat du mandataire peut prendre fin pour plusieurs raisons, notamment en cas de :

  • décès du mandant ou du mandataire;
  • révocation du mandat par le mandant qui n’est plus inapte;
  • renonciation du mandataire.

LE MANDATAIRE PAR PROCURATION

Il est également toujours possible, pour une personne pleinement lucide, de se faire représenter par quelqu’un d’autre. Dans ce cas, c’est un mandat ou une procuration qui précise l’étendue des pouvoirs accordés au mandataire.

Un tel document permet de nommer une personne qui nous représente, agit en notre nom ou administre nos biens, même si nous sommes parfaitement en mesure de le faire. Le pouvoir ainsi délégué peut être général ou spécifique, et il est très important d’en confier l’exercice à une personne de confiance.

Contrairement au mandat en cas d’inaptitude, le mandat par procuration permet d’agir immédiatement, sans autres formalités.

Le mandat du mandataire peut prendre fin pour plusieurs raisons, notamment en cas de :

  • décès du mandant ou du mandataire;
  • révocation du mandat par le mandant;
  • renonciation du mandataire.

CONCLUSION

Comme nous l’avons vu dans cette chronique et dans la précédente, il est possible de nommer une ou plusieurs personnes (individu ou société) pour assurer, seules ou avec d’autres, l’administration de nos biens en cas d’inaptitude ou de décès. Le choix d’un liquidateur, d’un fiduciaire, d’un tuteur ou d’un mandataire doit donc se faire judicieusement et, surtout, il faut s’assurer au préalable que la personne choisie (le mandataire) sera apte à agir en notre nom et surtout, qu’elle acceptera de le faire.

En terminant, il est très important de rappeler que, selon le Code civil du Québec :

  • la simple administration porte sur la conservation des biens, la perception des revenus qu’ils génèrent ainsi que l’investissement des sommes confiées dans des véhicules de placement présumés sûrs;
  • la pleine administration des biens comprend non seulement leur conservation, mais également l’obligation de les faire fructifier; il faut alors agir avec prudence, diligence et loyauté, et prendre toutes les mesures nécessaires à l’accroissement du patrimoine, dans le meilleur intérêt du bénéficiaire.

Compte tenu de l’importance des responsabilités et des conséquences inhérentes à la décision de déterminer à l’avance qui pourrait administrer nos biens, il faut prendre ce droit très au sérieux et l’exercer le plus tôt possible dans la vie, personne n’étant en mesure de préciser le moment où il faudra malheureusement s’en prévaloir.