Correction sur les marchés boursiers
Les marchés boursiers mondiaux ont été secoués au cours des deux derniers mois par la crainte grandissante de pressions inflationnistes et la probabilité accrue de hausses additionnelles des taux directeurs américains. Comment interpréter ces craintes ? S’agit-il d’une opportunité d’achat ?
Une phase du cycle qui tire à sa fin
Les marchés financiers avaient été tracassés au cours de la période de 2000 à 2002 par le ralentissement économique américain, l’éclatement de la bulle de technologie, l’attentat terroriste, la guerre contre le terrorisme, la crainte d’un malaise économique prolongé, le risque de déflation, etc.
Afin de s’assurer de la reprise de l’économie et de la confiance des consommateurs et des investisseurs, la Réserve fédérale américaine avait abaissé les taux d’intérêt directeurs américains jusqu’à 1 % en 2001, un taux sous la barre de l’inflation, rendant ainsi le loyer de l’argent essentiellement gratuit.
Au moyen de l’effet puissant de taux d’intérêt si bas, la Réserve fédérale encourageait fortement ceux qui voulaient emprunter pour consommer ou investir, et l’économie américaine a bondi en 2003 et connu une croissance vigoureuse depuis.
Malgré ce succès, la Réserve fédérale a choisi de maintenir cette politique monétaire des plus expansionnistes pour une période prolongée. En effet, elle n’a commencé à rehausser les taux d’intérêt qu’en 2004 et ce, a un rythme modéré afin de s’assurer de ne pas faire trébucher l’expansion économique.
Cependant, en maintenant le loyer de l’argent si bas si longtemps face à la vigueur de l’activité économique, la Réserve fédérale a encouragé une expansion des plus rapides de la quantité d’argent en circulation, dont l’excédent non requis pour alimenter l’offre et la demande de l’économie s’est déversé sous forme de spéculation dans les marchés financiers. Et donc avec un excès d’argent qui pourchasse les titres à revenu fixe, les taux disponibles sur les obligations à long terme ont fondu rapidement. Et avec la baisse du coût du capital qui en résulte, les actions et l’immobilier ont été revalorisés, et les primes de risques pour les titres de qualité secondaire ont fondu.
Les marchés boursiers mondiaux sont ainsi en hausse importante depuis essentiellement la fin de 2002. Le graphique ci-dessous démontre la progression ininterrompue des indices boursiers principaux au cours de cette phase expansionniste de la politique monétaire américaine.
La phase du cycle qui s’amorce
Avec les taux d’intérêt directeurs aux États-Unis à 5,25 % aujourd’hui, la Réserve fédérale américaine atteint finalement un niveau de taux d’intérêt dit « neutre », soit des taux d’intérêt qui ne sont ni expansionnistes ni restrictifs sur le rythme de la croissance économique. Par conséquent, les hausses de taux tirent-elles à leur fin ? Les investisseurs tardent à reconnaître qu’après avoir maintenu les conditions monétaires si expansionnistes pendant plus de cinq ans, la Réserve fédérale, en plus d’avoir relancé l’économie avec succès, a permis une accumulation excessive, voire spéculative, de liquidité dans le système économique mondial qui a gonflé le prix de plusieurs types d’investissements.
La Réserve fédérale devrait ainsi continuer les hausses de taux intérêt, probablement jusqu’à un niveau plus restrictif de 5,5 % à 6 %, afin d’éponger l’excès de liquidité, de ralentir le rythme économique effréné, et de réduire l’enthousiasme spéculatif sur certains marchés financiers.
Cet ajustement a commencé à se faire sentir au mois d’avril dernier, alors que les investisseurs se sont aperçus qu’il y avait bel et bien quelques pressions inflationnistes qui résultaient de la croissance vigoureuse américaine et que, par conséquent, la Réserve fédérale hausserait les taux d’intérêt davantage que généralement anticipé.
La phase plus restrictive de la politique monétaire cause maintenant un environnement plus tumultueux où les marchés boursiers évolueront en dents de scie jusqu’à la fin des hausses de taux d’intérêt : le loyer beaucoup plus élevé de l’argent et le ralentissement de l’économie à anticiper forcent plusieurs spéculateurs à renverser leurs positions moins performantes.
On ne peut cependant pas parler de marché baissier important à prévoir, car il faudrait alors poser l’hypothèse d’une récession à venir. Ceci semble peu probable. Mais la modération du rythme de croissance économique américain aura un impact sur la croissance mondiale. On peut donc présager une atténuation de la demande de pétrole, et ainsi une faiblesse relative de la bourse canadienne dont le secteur énergétique représente une plus grande proportion que celle de la plupart des autres indices boursiers mondiaux.