/  19 juin 2002

Conférence «Le patrimoine familial et les régimes matrimoniaux»

Quelles sont les répercussions matérielles et financières d’un divorce ou d’une séparation ? De quelle façon s’effectue la répartition des biens du ménage ? Voilà quelques-unes des questions traitées par Me Johanne Roby, avocate et médiatrice accréditée en matière familiale, au cours de conférences prononcées le 10 avril 2002 à Montréal et le 18 avril 2002 à Québec, dans le cadre des rencontres organisées par la société Les Fonds d’investissement FMOQ inc.

C’est en 1989 que sont entrées en vigueur les dispositions du Code civil du Québec sur le partage du patrimoine familial. Ces règles, qui favorisent l’égalité économique des époux, ne rendent pas ceux-ci copropriétaires des biens de la famille, mais leur confèrent le droit de demander le partage de la valeur de ce patrimoine. « Mais elles s’appliquent seulement aux personnes mariées légalement, a tenu à rappeler Me Roby ; elles ne peuvent donc être invoquées par des conjoints de fait lors de la cessation de leur vie commune. »

Le partage du patrimoine familial ne peut évidemment avoir lieu qu’en cas de dissolution du mariage, qu’elle résulte d’une séparation de corps, d’un divorce ou du décès de l’un des époux. Or, la notion de patrimoine familial n’englobe pas tous les biens des conjoints, mais ceux qui sont affectés à l’usage du ménage, comme les résidences principale et secondaire, les meubles qui les garnissent et les véhicules servant aux déplacements de la famille. Sont également inclus les REER, les droits acquis en vertu de régimes complémentaires de retraite établis par les employeurs (communément appelés « fonds de pension ») et les gains admissibles accumulés durant le mariage conformément au Régime des rentes du Québec. Par contre, sont exclus tous les biens reçus en héritage ou donnés à l’un des époux, avant ou pendant le mariage. (Il importe de signaler que les gains accumulés selon le Régime des rentes de même que les droits découlant d’un régime complémentaire de retraite sont exclus en cas de décès de l’un des époux, dans la mesure où ces régimes prévoient déjà des prestations au conjoint survivant.)

De ces biens qui constituent le patrimoine à partager, il faut déduire les dettes contractées pour leur achat (un prêt hypothécaire, par exemple), leur amélioration et leur entretien. La part de chacun équivaudra, en règle générale, à la moitié de la juste valeur marchande des biens, soit leur prix dans les conditions du marché au moment du partage. Cependant, des ajustements seront requis si l’un des conjoints a investi avant le mariage pour acquérir un bien qui est ensuite devenu commun, tel que la maison. Le partage des droits relatifs aux « fonds de pension » s’effectuera, quant à lui, en tenant compte de leur valeur actuarielle.

« Souvent, les époux vont convenir d’une forme de partage par compensation, a souligné la conférencière. L’un renoncera à ses droits sur les REER de son conjoint en échange de la propriété exclusive de la résidence. Mais, avant de procéder à de pareils arrangements, il est approprié de considérer la valeur que les biens troqués pourront avoir, dans ce cas-ci, lors de la retraite, et non pas seulement leur valeur actuelle. Il convient également de bien mesurer les conséquences fiscales de décisions semblables. » On ne le dira jamais assez : les parties ne devraient pas hésiter à consulter des spécialistes (évaluateurs, comptables ou autres) pour avoir une vision claire de la situation.

Le régime matrimonial

Mais qu’advient-il des biens exclus de la définition légale du patrimoine familial ? C’est le régime matrimonial des conjoints qui déterminera si ces biens, qu’on pourrait qualifier de résiduels, feront l’objet ou non d’un partage. Dans sa conférence, Me Roby a comparé la nature et la portée de deux régimes : la séparation de biens et la société d’acquêts.

Selon le régime de séparation de biens, établi par contrat de mariage, chacun des époux demeure propriétaire des biens qui sont à son nom, les administre et les conserve après la dissolution du mariage. Le régime de la société d’acquêts peut également être adopté par acte notarié, mais il est aussi le régime légal « par défaut » pour les époux sans contrat de mariage. D’après ce régime, les biens que les conjoints possédaient avant le mariage, tout comme ceux qu’ils ont reçus en héritage entrent dans la catégorie des biens propres. Les salaires, les revenus de placement, les revenus d’une entreprise s’ils ne sont pas investis dans l’entreprise, sont des acquêts. À la dissolution de l’union, chacun des époux a droit à la moitié des acquêts de l’autre, tout en préservant ses biens propres. C’est donc le régime matrimonial qui décidera du partage des biens soustraits aux règles du patrimoine familial.

L’union libre

« Contrairement à ce que d’aucuns croient, les règles de partage du patrimoine familial ne concernent pas les personnes vivant en union libre, peu importe la durée de cette union et peu importe que des enfants en soient issus ou non, a insisté Me Roby. Pour ces conjoints de fait, le Code civil se contente d’autoriser des recours pour la garde des enfants ou bien le versement d’une pension, mais n’indique rien au sujet du partage des biens. Il est donc important pour eux d’en décider eux-mêmes par contrat.»

À moins d’une entente écrite contraire, les meubles et immeubles que possède chacun des conjoints resteront sa propriété. Toutefois, même en l’absence d’un contrat, la législation applicable permet aux conjoints de fait de partager, sans incidence fiscale, leurs REER et leurs droits accumulés dans ces régimes, privés ou publics, à condition qu’ils soient tous deux d’accord pour le faire.

La médiation

Médiatrice familiale accréditée, Me Roby a voulu profiter de la tribune qui lui était offerte pour faire valoir les avantages de ce mode de résolution des conflits lors d’une séparation ou d’un divorce. La formule présente en effet de multiples avantages : elle peut éviter une judiciarisation des désaccords, elle tend à rétablir un climat d’échange, de négociation, et non d’affrontement. Et, dans certains cas, les rencontres peuvent être gratuites ! Ce peut être un moyen intéressant de résoudre, au besoin, un différend sur le partage des biens.