/  01 novembre 2020

à quel type de reprise devrions-nous nous attendre?

Le 28 février 2020, la direction de santé publique du Québec confirmait officiellement un premier cas de personne atteinte de la maladie à coronavirus, détecté la veille. Dans les semaines qui ont suivi, l’éclosion significative de la COVID-19 a provoqué une crise sanitaire sans précédent, forçant le gouvernement à décréter, le 12 mars, l’état d’urgence sanitaire.

Des répercussions sans précédent

Après avoir pris une série de mesures exceptionnelles pour contenir la propagation de cette maladie infectieuse, le gouvernement a mis « le Québec sur pause » jusqu’au 4 mai, date à compter de laquelle un déconfinement progressif a été amorcé.

Plusieurs secteurs d’activité ont été paralysés de sorte qu’environ 40 % de l’économie du Québec et 44 % des emplois ont été immobilisés en à peine trois semaines, avec les conséquences déconcertantes que l’on connaît maintenant. En effet, le Québec a été la province canadienne la plus éprouvée avec, entre autres :

  • une réduction de 39,8 % des heures travaillées entre les mois de février et d’avril ;
  • une perte de 820 500 emplois en mars et en avril ;
  • un taux de chômage qui est passé de 4,5 % en février à 8,1 % en mars et à 17 % en avril.

En pratique, alors que la situation était au beau fixe lors du dépôt du budget 2020-2021 du Québec, le 10 mars, le ministre des Finances a été contraint d’esquisser un tout autre portait, le 19 juin suivant (TABLEAU).

TABLEAU — PIB réel et ses principales composantes au Québec

 

2019
(%)
2020
(%)
Demande intérieure
Consommation des ménages ↑ 1,7 ↓ 8,8
Investissements résidentiels ↑ 3,9 ↓ 8,5
Investissements non résidentiels des entreprises ↑ 1,8 ↓ 15,4
Secteur extérieur
Exportations ↑ 1,4 ↓ 7,4
Importations ↑ 0,1 ↓ 8,2
Produit intérieur brut (PIB) réel ↑ 2,7 ↓ 6,5

Source : Ministère des Finances du Québec, Portrait de la situation économique et financière 2020-2021, juin 2020, tableau C.3, page C.10.

Cette diminution de l’activité économique est non seulement la plus importante depuis le début de la compilation des statistiques des comptes économiques, en 1981, mais elle est aussi à l’origine de « la pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale », selon le ministre.

La récession provoquée par la pandémie de la COVID-19 a notamment causé une explosion des dépenses et une diminution des revenus des gouvernements, dont celui du Québec. Le Discours sur le budget 2020-2021 prévoyait le maintien de l’équilibre budgétaire après une contribution de 2,9 milliards de dollars au Fonds des générations. Quatorze semaines plus tard, la mise à jour économique du ministre faisait état d’un déficit historique de 14,9 milliards de dollars en 2020 et annonçait la ponction d’une somme identique dans la réserve de stabilisation de ce Fonds pour équilibrer les finances.

Il n’est pas surprenant que le nouveau gouverneur de la Banque du Canada, M. Tiff Macklem, ait signalé récemment que la pandémie a créé « un choc économique différent de tout ce que nous avons vu de notre vivant » et qu’elle va « infliger des dommages durables (…), notamment en nuisant longtemps à l’offre et à la demande ». Pour soutenir les marchés et pour amoindrir les coûts des emprunts des entreprises et des ménages, la Banque a procédé à des assouplissements quantitatifs, c’est-à-dire à des achats d’obligations et de dette du gouvernement.

Catalysée par un élément externe au monde financier, en l’occurrence une crise sanitaire, la crise financière actuelle est atypique, en raison de son absence de jalons et l’impossibilité de la comparer à aucune autre depuis plus d’un siècle.

De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) estime que la pandémie se traduira, pour l’économie mondiale, par une perte cumulée de plus de 12 000 milliards de dollars (12 000 G$) cette année et l’an prochain. De fait, l’organisme s’attend à une récession mondiale plus importante et à une relance inégale et plus lente que prévu, notamment parce que la crise sanitaire n’est pas endiguée, des foyers d’infection se rallumant un peu partout à l’échelle de la planète.

Si l’ampleur de la récession est tributaire de la durée de la propagation de la COVID-19, le facteur clé du succès de la reprise réside dans un regain de confiance des ménages qui, face à l’état précaire de leurs finances, ne semblent pas prêts à dépenser.

Quelle forme de reprise aurons-nous ?

Même s’il est impossible de rattraper rapidement quelques mois d’inactivité économique, les mesures de soutien aux entreprises et aux travailleurs, de même que le devancement de certains projets d’infrastructures publiques par les gouvernements ont limité les dégâts et permettent d’entrevoir une relance qui s’annonce cependant ardue, ne serait-ce qu’en raison de l’incertitude qui perdurera d’ici la découverte d’un vaccin.

Il est toutefois permis d’espérer que les plans de déconfinement mis en place contribueront à revitaliser l’économie et à insuffler un élan ascendant marqué par un volume des activités et des investissements accrus ainsi que par un chômage en baisse.

Un certain optimisme quant à une reprise économique est de mise, alors que l’économie québécoise a enregistré 230 000 nouveaux emplois en mai et que le taux de chômage est passé de 17 % à 13,7 % en juin. Mais quelle forme cette reprise revêtira-t-elle ?

La reprise sera en V si l’activité économique rebondit rapidement après le choc et revient à son niveau initial en une douzaine de mois ou moins, en raison d’une croissance accélérée de la consommation et des dépenses des ménages de même que d’une récupération des pertes de production. Ce scénario d’une reprise tout aussi, voir plus forte que la chute de l’activité économique qui l’a précédée a été évoqué au début du confinement, alors que les citoyens s’attendaient à ce que le virus soit vaincu rapidement.

La reprise sera en U si l’activité économique, après avoir encaissé un choc s’étalant généralement sur un ou deux trimestres, retourne graduellement à son niveau initial en effectuant un rattrapage qui requiert souvent plus d’une année. Avec une relance moins prononcée que la chute, une telle reprise signifierait que le déconfinement ne porte pas les fruits attendus, le ralentissement économique durant plus longtemps que prévu. À cet effet, il faut noter que plus la courbe en U sera large, plus le retour à la pente de croissance initiale sera long.

Le schéma en L concrétisera le scénario du pire si rien ne bouge et que l’activité économique stagne à son niveau le plus bas durant de nombreuses années après sa dégringolade, que la maladie de la COVID-19 se chronicise et que les ménages reportent leurs dépenses. De fait, avec une croissance postreprise inférieure à la croissance prérécession, le choc encaissé serait suivi d’une période indûment longue avant que l’économie ne redémarre. On pourrait alors parler d’une dépression.

La reprise sera en W si la première vague de la maladie de la COVID-19 et d’autres vagues épidémiques ainsi que des périodes alternées de confinement et de déconfinement se traduisent par une relance suivie d’un autre fléchissement, lui-même suivi d’une nouvelle relance. Ce scénario est qualifié de double creux (double dip) ou d’économie en yoyo.

Les pessimistes prédisent un scénario en L, les alarmistes vont jusqu’à prophétiser une chute vertigineuse de l’économie en I ; et les plus optimistes misent sur une reprise en V. La vérité se situe probablement entre ces extrêmes, soit une reprise en U avec un creux plus long que prévu et une relance dans le courant de 2021, ou encore une reprise en W, c’est-à-dire une embellie suivie de nouveaux épisodes de la maladie de la COVID-19. C’est ce scénario que prévoit actuellement la Banque du Canada qui anticipe « une longue reprise en dents de scie ».

Quoi qu’il en soit, personne ne peut vraiment prévoir ce qu’il adviendra, alors que la sortie de crise dérivera de l’évolution de la pandémie, de la gestion de la crise, des mesures gouvernementales, de la découverte d’un vaccin et, par-dessus tout, de la capacité des citoyens à subordonner leur bien-être personnel à la responsabilité collective de se protéger les uns les autres en respectant les consignes de santé publique. La courbe de propagation ayant été aplatie, tout dépend désormais de tout un chacun. Même la reprise.