/  12 juillet 2011

Les droits successoraux américains

Vous ne vous sentez peut-être pas concerné par cet article et vous vous demandez sans doute pourquoi vous devriez vous informer sur ce type d’’impôt à payer alors que vous n’êtes ni citoyen américain, ni détenteur d’une carte verte, ni même résident des États-Unis ?

La raison en est fort simple. Il se peut que votre succession ait des impôts à payer en vertu des droits successoraux américains du simple fait que vous déteniez à votre décès des biens situés aux États-Unis, le tout sans égard à votre statut de citoyen ou de résident au moment de votre décès. Il est donc essentiel de mieux connaître ce possible fardeau fiscal puisqu’il n’y a pas d’équivalent au Canada.

Les résidents canadiens sont visés par la disposition présumée de leurs biens de source mondiale l’instant avant leur décès en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada. Ainsi, cette disposition présumée entraînera un fardeau fiscal dans la mesure où la valeur marchande des biens est supérieure au coût.

Les droits successoraux américains, quant à eux, ne se calculent pas sur la plus-value accumulée,  mais plutôt sur la valeur marchande des biens américains détenus par une personne à son décès.

Il est donc possible que le même bien (par exemple, un condo en Floride) donne lieu à un gain en capital imposable au Canada à la suite de la disposition présumée et à des droits successoraux américains. Par contre, la convention fiscale entre les deux pays a pour but d’éviter la double imposition au moyen de crédits d’impôts obtenus au Canada. Revenu Québec n’accorde toutefois pas de crédit d’impôts étrangers pour les droits successoraux américains.

Calcul des droits successoraux

Selon la loi adoptée le 17 décembre 2010, la détermination des droits successoraux américains se fait selon des taux progressifs variant de 18 % à 35 %. Le taux marginal atteignait toutefois 45 % en 2009 et pourrait revenir aux règles de l’année 2001 (taux et crédit unifié ci-dessous), car la nouvelle loi restera en vigueur jusqu’au 31 décembre 2012 seulement. Il sera donc important de suivre l’évolution de ce dossier au cours des prochaines années.

Biens visés

Immeubles

Titres américains (actions, obligations), même dans les REER ou les FERR

Biens exclus

Fonds mutuels canadiens contenant des titres américains

Titres étrangers cotés à une bourse américaine (ADR)

Liquidités personnelles dans une banque américaine

Crédit unifié

Les citoyens et résidents américains ont droit à un crédit unifié de 1 730 800 $ en 2011  applicable à l’encontre des droits successoraux, ce qui permet d’éviter tout fardeau fiscal tant que la valeur de leur succession n’excède pas 5 000 000 $.

Les Canadiens qui ne sont pas des résidents américains peuvent aussi, en vertu de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, profiter du crédit unifié au prorata du pourcentage de la valeur des biens américains de leur succession par rapport à la valeur mondiale de leur succession. Par exemple, une succession comptant 10 % de ces biens aux États-Unis pourra obtenir 173 080 $ de crédit unifié.

Une clause de transfert de la portion non utilisée de l’exonération de 5 000 000 $ en faveur du conjoint survivant a aussi été ajoutée à la loi du 17 décembre dernier.

Convention fiscale Canada États-Unis

Un crédit de 13 000 $ US est accordé aux non-résidents américains, ce qui correspond à une exonération d’impôt de 60 000 $ US.

Déclaration fiscale américaine

Une déclaration de revenus (706-NA) doit être produite aux États-Unis par les non-résidents dans les neuf mois suivant le décès, même si aucun impôt n’est dû.

Stratégie pour réduire l’emprise des droits successoraux américains

L’utilisation d’une fiducie canadienne entre vifs irrévocable pour faire l’acquisition d’une résidence aux États-Unis constitue une façon efficace d’éviter l’application des droits successoraux au décès, à condition de respecter les différents critères que voici :

  • transfert des fonds nécessaires dans une fiducie créée dans le but de faire l’acquisition d’une résidence aux États-Unis avant la conclusion de la transaction;
  • aucune entente préalable ne doit être conclue entre le constituant de la fiducie et le vendeur ;
  • le constituant de la fiducie, soit la personne qui y injecte les fonds, ne peut être ni le fiduciaire ni le bénéficiaire ;
  • les bénéficiaires peuvent être le conjoint et les enfants du constituant.

Même si le constituant possède un droit d’accès à la résidence détenue par la fiducie, il n’y aura aucun impôt à payer à son décès en vertu des droits successoraux américains, pas plus que de son vivant d’ailleurs.

Au décès du conjoint bénéficiaire de la fiducie, les droits successoraux américains ne seront pas applicables si la résidence n’est pas léguée par testament. Les enfants deviendront alors les seuls bénéficiaires.

Il sera éventuellement possible de désigner la résidence détenue par la fiducie à titre de résidence principale afin d’exonérer d’impôt le gain en capital à sa disposition. Un tel choix empêchera les bénéficiaires de la fiducie d’utiliser ces mêmes années lors de la disposition de leur propre résidence principale.

Conclusion

Le simple fait de détenir des biens aux États-Unis ne signifie pas automatiquement que des impôts américains devront être payés à votre décès. Il faut toutefois effectuer des calculs afin de vérifier l’emprise possible des droits successoraux et, au besoin, mettre en place une stratégie visant à les réduire, voire à les éviter (fiducie ou liquidation de votre vivant).

Vous aurez besoin de l’aide d’un spécialiste pour avoir l’heure juste à ce sujet.