/  22 mars 2017

L’immobilier : des règles plus strictes pour enrayer la surchauffe

Encore cette année, les gouvernements ont donné un tour de vis pour resserrer les conditions du crédit hypothécaire au Canada. Leurs deux objectifs ? Réduire le taux d’endettement des ménages et enrayer la surchauffe du secteur immobilier résidentiel, gravement menacé dans certaines régions par la surévaluation des prix du logement.

Le phénomène n’est pas nouveau. Depuis 2008, soit depuis l’éclatement de la pire crise financière à frapper les économies industrialisées depuis la grande dépression des années 30, les consommateurs bénéficient de conditions de crédit éminemment avantageuses, la Banque du Canada ayant alors ramené son taux directeur pratiquement à zéro, où elle le maintient depuis.
Cette mesure financière sans précédent visait à relancer l’activité économique en rendant le crédit accessible aux consommateurs et aux entreprises. En leur donnant les moyens de dépenser, on voulait redonner un peu de tonus à une activité économique qui était devenue complètement anémique dans la foulée de la crise financière et économique.

De 2008 à aujourd’hui, la Banque du Canada a maintenu son taux directeur dans une fourchette minimaliste, entre 0,25 % et 1 %, permettant ainsi aux institutions prêteuses d’offrir à leurs clients des prêts hypothécaires à des taux nettement avantageux.

Cette grande et généreuse disponibilité de liquidités n’a pas été sans conséquence. Alors que de 2008 à 2016 le taux d’inflation s’est maintenu à une moyenne annuelle de 1,5 % au Canada, le prix des maisons a doublé dans la région de Vancouver au cours de la dernière décennie. Le même phénomène a été observé dans la région de Toronto, où, depuis 2004, la valeur des propriétés résidentielles a aussi doublé.

On applique les freins

Dès 2008, la flambée des prix de l’immobilier, provoquée par les taux hypothécaires extrêmement bas, a fait craindre au gouvernement fédéral que le Canada ne devienne victime d’une bulle immobilière comme celle qui avait entraîné les États-Unis dans une crise majeure.

Il faut se souvenir que, durant les belles années de la bulle spéculative immobilière aux États-Unis, entre 2000 et 2007, les banques américaines consentaient des prêts hypothécaires qui pouvaient représenter jusqu’à 120 % de la valeur de la propriété. Elles étaient tellement convaincues que la propriété allait rapidement prendre de la valeur qu’elles étaient prêtes à financer – en prime – un rutilant hors-bord de 100 000 $ sans évaluer la véritable capacité de rembourser des emprunteurs…

C’est dans ce contexte que le gouvernement Harper a jugé bon, dès 2008, de réduire la durée de l’amortissement des nouveaux prêts hypothécaires, la faisant passer de 40 à 35 ans. Il voulait ainsi mettre un frein au surendettement des ménages qui, désirant acheter des maisons trop chères pour leurs moyens, n’hésitaient pas à allonger au maximum l’échéance du remboursement. Ottawa a par la suite ramené la durée maximale de l’amortissement à 30 ans, puis, en 2013, à 25 ans pour tous les nouveaux acheteurs de maison.

Ces contraintes n’ont toutefois pas réussi à endiguer l’appétit des Canadiens, qui ont continué de profiter des bas taux d’intérêt pour réaliser leur ambition d’acquérir une nouvelle propriété, peu importe le prix à payer.

Une préoccupation grandissante

La Banque du Canada – pourtant responsable des conditions de crédit prodigieusement laxistes qui prévalent au pays – fait depuis quatre ans la campagne la plus systématique pour prévenir les citoyens canadiens des dangers imminents d’une explosion de la bulle immobilière dans certaines régions du pays.

Devant les ratés qui affectent l’économie canadienne, notamment la chute des prix des matières premières – surtout celle des prix du pétrole, qui a entraîné l’Alberta, moteur économique canadien, en récession –, la Banque du Canada se voit contrainte de maintenir sa politique monétaire hyper-accommodante de taux d’intérêt minimaux.

Notre banque centrale constate aussi que cette politique du crédit facile a généré depuis 2008 une bulle spéculative qui a embrasé le secteur immobilier résidentiel de certains marchés, notamment de Vancouver et de Toronto.

Un cottage à Vancouver coûte en moyenne 1,5 million de dollars. Depuis un an, on a enregistré une hausse marquée du prix des résidences dans la banlieue immédiate de Vancouver ; le prix de vente moyen s’élève à 1,2 million de dollars pour 40 % des transactions réalisées. En un an, le prix de vente moyen des maisons à Toronto a augmenté de 100 000 $ pour atteindre 710 000 $.

Les marchés immobiliers de Vancouver et de Toronto ont été fortement stimulés par l’entrée en force d’investisseurs étrangers – principalement chinois – à la recherche de placements sûrs, productifs et réalisés à l’extérieur de leur pays afin d’assurer la diversification du risque de leur portefeuille.

Le phénomène a pris une telle ampleur en Colombie-Britannique que le gouvernement provincial a décidé, en août 2016, d’imposer une taxe foncière de 15 % aux acheteurs étrangers désireux d’acquérir une propriété sur son territoire. Cette nouvelle mesure a eu un effet immédiat. En août et septembre 2016, le nombre de transactions immobilières a chuté de 26 % dans la province, et le prix de vente moyen, de 19 %. Ces baisses confirment que les investisseurs étrangers ont un impact certain sur le marché.

De nouveaux resserrements

Ce qui inquiète le plus la Banque du Canada reste toutefois le surendettement sans cesse grandissant des ménages canadiens, qui doivent outrepasser largement leur capacité d’emprunt pour acquérir une maison, ce qui les rend vulnérables à toute nouvelle hausse des taux d’intérêt.

Afin de lutter contre cette tendance, le gouvernement fédéral a modifié en octobre dernier les règles de l’assurance hypothécaire que les acheteurs de maison doivent contracter quand leur mise de fonds est inférieure à 20 % du prix d’acquisition. Ces acheteurs doivent maintenant se soumettre à un « test de risque », qui permet d’évaluer leur capacité à rembourser leur emprunt hypothécaire en cas de hausse subite des taux d’intérêt. Plutôt que de se qualifier selon le taux consenti par leur institution financière, ils doivent l’être selon le taux de cinq ans établi par la Banque du Canada.

Auparavant, un ménage qui souhaitait acheter une maison de 350 000 $ avec une mise de fonds de 5 % pouvait contracter une hypothèque de 332 500 $ qui, amortie sur 25 ans, lui coûtait 1 470 $ par mois avec un taux d’intérêt de 2,39 %, garanti par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).

Selon les nouvelles normes édictées par Ottawa, ce même ménage doit dorénavant utiliser un taux de 4,64 % pour établir sa mensualité maximale. Alors qu’il souhaitait acheter une maison de 350 000 $, il devra désormais se contenter d’une résidence de 262 000 $, ou encore avancer 88 000 $ additionnels comme mise de fonds.

Si Ottawa espère freiner quelque peu la surchauffe spéculative de certains marchés et le surendettement des Canadiens, ce resserrement des conditions va cependant pénaliser les jeunes ménages désireux d’acquérir une première maison et ralentir la construction résidentielle dans les marchés moins touchés par la vague spéculative, tels que le Québec.

De plus, avec la hausse des taux d’intérêt américains amorcée par la Réserve fédérale américaine, la Banque du Canada n’aura pas d’autre choix que de hausser elle aussi ses taux dans un avenir rapproché, réduisant ainsi la capacité de rembourser des emprunteurs. La prudence est donc d’autant plus de mise.