/  18 novembre 2006

Les marchés lancent-ils un défi au nouveau président de la Réserve fédérale américaine ?

 

Encadré

Curriculum vitae de Ben S.Bernanke

Naissance : 13 décembre 1953, à Augusta, en Géorgie
Études : 1975 : B.A. en économie (Université Harvard)

1979 : Ph.D. en économie du Massachusetts Institute of Technology (MIT)

Expérience : 1979-1985 : professeur à l’Université Stanford

1985-2002 : professeur à l’Université de Princeton

2002-2005 : membre du Board of Governors de la Réserve fédérale

Juin 2005-janvier 2006 : président du President’s Council of Economic Advisers à la Maison-Blanche

1er février 2006 : président élu de la Réserve fédérale américaine pour un mandat de 14 ans

Le 1er février 2006, la nomination de Dr Ben S. Bernanke à la présidence de la Réserve fédérale américaine (la Fed) était confirmée. Dr Bernanke succédait officiellement à M. Alan Greenspan, en poste depuis 1987.

Depuis plusieurs mois, les investisseurs spéculaient sur les principes directeurs susceptibles de guider les décisions des candidats à la présidence de la Fed, et plus particulièrement sur ceux de Dr Bernanke depuis sa nomination comme gouverneur, en octobre 2005.

Principes directeurs de Dr Bernanke

À ce titre, Dr Bernanke avait déjà révélé, dans le cadre de plusieurs travaux et à l’occasion d’allocutions, sa philosophie quant au rôle et à la direction de la politique monétaire.

Le nouveau président endosse le mandat à deux volets de la Fed, en l’occurrence la stabilité des prix et la maximisation de l’emploi. Selon lui, il est insuffisant de viser exclusivement la stabilité des prix, comme le requiert le mandat de la Banque centrale européenne, en supposant que la demande et l’emploi s’ajusteront automatiquement. Ses assises théoriques d’économiste et de professeur l’ancrent fermement dans cette vision du rôle de la Fed.

Pour Dr Bernanke, la gestion d’une cible pour l’inflation est un mécanisme dont l’objectif principal est de fixer les attentes inflationnistes des marchés.  Lorsque ces dernières sont stables, la Fed dispose de plus de flexibilité pour gérer les objectifs de la demande et de l’emploi, selon les circonstances du moment.

D’autre part, le nouveau président de la Fed rejette l’idée selon laquelle il revient à la banque centrale de prévenir et d’intervenir lorsqu’une bulle spéculative se manifeste. Il met en doute la capacité de quiconque d’identifier avec certitude le développement d’une telle bulle et de déterminer avec justesse l’intervention à prescrire. Dr Bernanke croit essentiellement que le rôle de la Fed est de viser l’économie et non les marchés financiers.

En ce qui concerne le déficit du compte courant américain, Dr Bernanke attribue le gonflement de ce dernier non pas à la consommation excessive américaine de biens et de services étrangers, mais plutôt à une demande mondiale excessive pour les actifs américains, demande générée par une épargne mondiale exorbitante en raison de la faiblesse de la consommation en Europe et au Japon, de l’intégration de l’épargne chinoise dans les marchés financiers mondiaux et de l’intervention des banques centrales asiatiques pour  empêcher l’appréciation de leurs devises depuis l’éclatement de leurs marchés, en 1997-1998.  Avec une telle préférence pour les actifs américains, le déficit du compte courant peut toujours être facilement financé; il le sera jusqu’à une reprise de la demande, en Europe et en Asie.

Un début plutôt difficile ?

L’entrée en fonction d’un nouveau président de la Fed crée naturellement une incertitude quant à la poursuite du mandat de cette institution si importante pour les fondements de l’économie et des marchés financiers.

À la suite de la nomination de M. Alan Greenspan, en 1987, les marchés avaient craint qu’il ne manifeste pas la même détermination que son prédécesseur, M. Paul Volker, pour contrôler les pressions inflationnistes de l’époque.

Reflétant cette inquiétude, les marchés avaient alors salué l’entrée en fonction de M. Greenspan par une hausse des taux d’intérêt obligataires, de 7 % à 10 %.  L’histoire retient qu’il avait alors relevé le défi des marchés par une hausse tout aussi incisive des taux d’intérêt directeurs de la Fed. Cette décision conduisit à une retombée des taux d’intérêt à long terme… par le biais du fameux crack boursier.

Cette fois-ci, les taux d’intérêt à long terme demeurent toujours relativement stables, à suite de l’intronisation de Dr Bernanke, mais c’est le prix de l’or qui a bondi depuis sa nomination, en octobre 2005, comme l’illustre le graphique ci-contre.

Avec une hausse de 466 USD* l’once, en octobre 2005, à 652 USD l’once, lors de la rédaction de cet article, une question se pose : les marchés doutent-ils de la capacité de DrBernanke de contrôler efficacement les pressions inflationnistes et de préserver la valeur du dollar américain ?

Pareille hypothèse serait inquiétante, mais elle n’est pas supportée par la réaction des autres marchés financiers qui devraient être tout aussi sensibles à une telle éventualité. Il semble plutôt que la montée du prix de l’or soit davantage liée à la forte demande pour le métal précieux en Inde, au Moyen-Orient et en Chine, de même qu’aux tensions géopolitiques actuelles. Il faut néanmoins reconnaître la coïncidence de ces événements.

La montée du prix de l’or lance-t-elle donc un défi au nouveau président de la Réserve fédérale américaine? Dr Bernanke tentera-t-il de contrer la montée du prix de l’or, comme M. Greenspan avait contré l’envolée des taux d’intérêt obligataires, ou ignorera-t-il ce mouvement de marché, puisqu’il ne reflète pas une inquiétude sur le contrôle de l’inflation ?

Les questions sont posées. Les réponses ne tarderont pas.

*  Code du dollar américain selon la norme ISO 4217 relative aux codes des monnaies du monde