/  01 septembre 2013

De médecin résident à médecin en pratique : aspects financiers – I

La plupart des résidents finissants qui s’apprêtent à commencent leur pratique s’interrogent sur les répercussions financières de ce changement de statut. Quels réajustements devraient-ils faire dans la gestion de leur budget et l’organisation de leurs finances afin de bien réussir ce passage de médecin résident salarié au statut de travailleur autonome? Le sujet étant vaste, nous l’avons divisé en deux parties : la première traitera des questions relatives au budget personnel, au remboursement des dettes et aux produits d’épargne (REER et CELI), la suite paraîtra dans le numéro d’octobre et sera consacrée aux acomptes provisionnels, à la mise à part de l’argent et à la pratique médicale en société.

Budget personnel

Établir son budget personnel est une façon de faire le point sur sa situation financière afin de mieux maîtriser ses dépenses et de mieux gérer ses ressources. Cet exercice ne doit pas être vu comme un moyen de s’empêcher de dépenser son argent, mais bien comme un outil de prise de contrôle de ses finances. En fait, un budget, même très sommaire, permet de faire ressortir les plus grands postes de dépenses et sensibilise à l’importance d’une bonne planification financière.

Prenons l’exemple d’une personne dont les revenus se rangent dans le quantile supérieur (150 000 $ et plus). Son premier poste budgétaire est bien « Impôts personnels et cotisations » (35 %), lequel à lui seul est presque égal aux dépenses de logement et de transport réunies (37 %). Ce simple constat révèle que vos décisions financières (choix de produits d’épargne ou ordre de remboursement de dettes) devront être prises en tenant compte de votre taux d’imposition.

Liste des postes de dépenses pour le quintile supérieur *
Logement 21 %
Alimentation 9 %
Transport 16 %
Vêtements et soins personnels 9 %
Loisirs et voyages 5 %
Autres dépenses personnelles 5 %
Impôts personnels et cotisations 35   %

*Source : Statistique Canada – Québec, quintile supérieur (2011)

En sachant cela, vous choisirez plutôt des instruments d’épargne offrant un traitement fiscal avantageux (ex. : REER, CELI, etc.) ou encore vous utiliserez d’autres stratégies d’optimisation fiscale (ex. : mise à part de l’argent, report d’impôt, fractionnement du revenu, etc.). Nous y reviendrons plus loin.

Remboursement des prêts et des marges de crédit

Si, à la suite de vos études en médecine, vous avez accumulé des dettes, le début de votre pratique est le moment idéal pour bâtir un plan de remboursement. Il serait faux de penser que l’augmentation, même très substantielle, de votre revenu signifie automatiquement que vous n’avez pas à vous pencher sur la question. En fait, beaucoup de gens ignorent l’ampleur des frais d’intérêt qu’ils assument en trop s’ils n’effectuent pas une analyse détaillée de leurs dettes et ne font que rembourser petit à petit les mensualités exigées.

Établir l’ordre de remboursement des dettes ne se résume pas uniquement à une comparaison des taux d’intérêt applicables. Il s’agit plutôt d’un exercice qui consiste à comprendre la nature des dettes. Les experts financiers font souvent la distinction entre les bonnes et les mauvaises dettes. Un investissement dans un bien qui prend de la valeur, qui est profitable à long terme ou dont les intérêts sont admissibles au crédit d’impôt est considéré comme une bonne dette (ex. : un prêt hypothécaire ou un prêt pour lancer une entreprise) alors que l’achat à crédit d’un bien dont la valeur diminue (ex. : consommation courante avec une carte de crédit) tombe dans la catégorie des mauvaises dettes. Il faudrait donc éliminer en premier lieu ces dernières avant de s’attaquer au remboursement des autres.

Avant toute chose, il serait pertinent de consolider vos dettes pour tenter d’obtenir de meilleures conditions de financement. Si le taux d’intérêt de votre marge de crédit est considérablement supérieur à 3 %, le temps est peut-être venu de le renégocier avec votre établissement financier. En faisant cela, vous réussirez à épargner avant même de commencer à rembourser. Acquittez ensuite les dettes sur les cartes de crédit et les marges de crédit à taux d’intérêt élevé ou dont les intérêts ne sont pas déductibles de votre revenu. Sachez que les intérêts sur votre prêt étudiant sont admissibles au crédit d’impôt, une caractéristique dont il faut tenir compte lors de l’établissement de l’ordre de priorité du remboursement.

REER ou CELI

En principe, le budget idéal devrait dégager un surplus qui sera consacré à l’épargne. Il serait judicieux de placer vos premières économies dans des régimes qui offrent un traitement fiscal avantageux, comme le régime enregistré d’épargne-retraite (REER) ou le compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Lequel choisir ?

Il n’existe pas de réponse universelle à cette question. Il faut souligner que l’un n’exclut pas l’autre et que le choix de l’instrument (CELI ou REER) et des produits de placement (actions, obligations, fonds communs de placement) dépend avant tout de vos projets, de votre taux d’imposition, de votre capacité d’épargne, de votre tolérance au risque et de votre horizon de placement. Il faudra donc tenir compte de tous ces facteurs, en plus de connaître les principales caractéristiques de ces deux outils.

Tout d’abord, pour cotiser à un REER, il faut posséder des droits de cotisation, lesquels  représentent 18 % du revenu brut admissible, gagné l’année précédente, jusqu’à un plafond de 23 820 $ en 2013 (24 270 $ en 2014). Les droits de cotisation au CELI sont, quant à eux, fixes (5 000 $/année de 2009 à 2012 et 5 500 $/année à compter de 2013) et sont octroyés à tout Canadien de 18 ans et plus.

Que ce soit à l’intérieur d’un REER ou d’un CELI, vos placements travaillent à l’abri de l’impôt et votre patrimoine croît ainsi plus rapidement. Une différence importante : les cotisations effectuées dans un REER sont déductibles de votre revenu admissible, ce qui vous permet d’obtenir une réduction d’impôt. Toutefois, il y aura imposition au moment du retrait. À l’inverse, les sommes investies dans un CELI ne sont pas déductibles de votre revenu et il n’y aura pas d’imposition au retrait. Pour cette raison, le REER est plus approprié si votre taux d’imposition est relativement élevé et si vous n’envisagez pas de retirer rapidement vos économies. Inversement, un CELI convient mieux pour une épargne à court terme, car il offre plus de souplesse. Ces généralités comportent néanmoins des exceptions. Par exemple, le REER peut aussi être avantageux à court et à moyen terme si vous souhaitez acquérir une maison ou retourner aux études.

Il y a aussi le régime d’accession à la propriété (RAP) : un programme qui vous permet de retirer, sans payer d’impôt, jusqu’à 25 000 $ de votre REER dans une année civile, pour acheter ou construire une habitation admissible. Également, le régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP) vous donne droit de retirer jusqu’à 20 000 $ de votre REER pour financer un retour aux études pour vous-même ou votre conjoint. Les cotisations doivent demeurer dans le REER au moins 90 jours avant le retrait pour donner droit à une participation au RAP ou au REEP. Sinon, elles ne seront pas déductibles des revenus. Dans le cadre d’un RAP, vous disposez de quinze ans pour remettre la somme retirée dans le REER, cette période est de dix ans dans le cas d’un REEP.  Si vous ne versez pas le montant prévu une année, vous devez l’inclure dans vos revenus. Il est évident que ces stratégies sont avantageuses puisqu’elles permettent de bénéficier d’un remboursement d’impôt à la suite de cotisations dans le REER et de profiter d’un « auto-emprunt » pour financer vos projets.

Le CELI et le REER ne sont pas des concurrents, mais bien des instruments d’épargne qui doivent fonctionner en complémentarité. Chacun des régimes trouvera sa place dans une planification financière adaptée à votre situation.

Suite dans le prochain numéro.