/  31 décembre 2016

REER au décès : parer à la gourmandise du fisc

On passe des décennies à faire croître son REER ; ce n’est pas pour laisser au fisc la grosse part du gâteau. Afin de réduire les impôts à payer sur ce type d’épargne lorsque survient un décès, voici, en vrac, une foule de conseils concernant autant la préparation du testament que le règlement de la succession.

Seconde moitié de notre dossier sur le traitement fiscal des REER au décès, ce texte fait suite à l’article « Vos REER, un héritage imposable… pour qui ? », paru dans le dernier numéro.

  • RAP et REEP : transfert possible au conjoint fiscal

Le régime d’accession à la propriété (RAP) et le régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP) sont des outils qui permettent d’« emprunter » à son REER, en franchise d’impôt, les sommes nécessaires à l’achat d’une propriété ou au financement d’études postsecondaires. Ces emprunts doivent être remboursés selon des modalités propres à chaque régime. Au décès du détenteur, les montants non remboursés du RAP et du REEP doivent être inclus dans sa déclaration de revenus pour l’année du décès. Ils sont donc de ce fait sujets à imposition.

Une exception toutefois : si la personne avait un conjoint fiscal au moment de son décès et qu’il est désigné comme héritier, ce conjoint peut choisir de poursuivre les remboursements prévus par le RAP ou le REEP du défunt dans son propre REER, sans déductions fiscales sur les versements 1.

Si elle est mise de l’avant, cette option permet à la succession d’économiser des impôts. Cependant, des impôts devront éventuellement être assumés par le conjoint survivant lorsqu’il retirera de son REER les sommes qui ont servi en remboursement du RAP ou du REEP. Par conséquent, on devrait prendre en considération ces impôts futurs au moment de l’évaluation de la part de l’héritage du conjoint survivant. Le testament pourrait même le prévoir.

  • Les revenus gagnés dans le REER après le décès

Les revenus gagnés dans le REER entre la date du décès et la date du règlement de la succession sont pleinement imposables pour les héritiers. Cependant, la portion gagnée jusqu’au plus tard le 31 décembre de l’année qui suit l’année du décès peut généralement faire l’objet d’un report d’impôt, au même titre que la valeur marchande du REER au jour du décès.

  • Le legs à une fiducie : pas toujours un cadeau !

Nous avons exposé, dans la première partie de ce dossier, les cas précis où le legs du REER à une fiducie testamentaire est possiblement avantageux : celle établie au profit du conjoint fiscal atteint d’une déficience mentale, ou encore de l’enfant ou du petit-enfant financièrement à charge, soit en raison d’une déficience mentale, soit d’âge mineur. En dehors de ces cas, le legs du REER à une fiducie testamentaire ne permet généralement pas le roulement fiscal. Avec une telle fiducie, le REER risque d’être « emprisonné » dans la fiducie. Ce serait le cas, par exemple, si le REER était légué à une fiducie testamentaire créée pour le conjoint survivant qui n’est pas atteint d’une déficience mentale.

  • Des stratégies pour répartir et différer l’imposition

Il ne faut pas hésiter, pour réduire la facture fiscale, à employer simultanément différentes stratégies post mortem. On peut ainsi à la fois :

  1. répartir l’imposition immédiate entre le défunt et les bénéficiaires (conjoint fiscal, enfants et petits-enfants), et ;
  2. différer l’imposition, en transférant partiellement des fonds aux différents régimes qui l’autorisent, afin de maximiser les économies d’impôt.

Par ailleurs, la législation fiscale n’interdit pas que le roulement fiscal d’un REER soit partagé entre plusieurs héritiers, par exemple entre le conjoint et les enfants à charge.

  • Une clause testamentaire qui prévient l’injustice

Le roulement fiscal du REER au bénéficiaire admissible (conjoint, enfant ou petit-enfant) n’est pas toujours automatique ; dans plusieurs cas, les consentements du liquidateur successoral et du bénéficiaire (ou de son représentant légal) sont obligatoires2. Lorsque le bénéficiaire hérite du REER par voie de legs à titre particulier, il pourrait être tenté de ne pas donner son consentement. Pourquoi ? Parce que, à défaut de roulement, l’imposition du REER devra être assumée par les héritiers universels ; le bénéficiaire recevra alors, pour sa part, la valeur entière du REER à l’abri de l’impôt.

Afin d’éviter cette situation problématique, le détenteur a intérêt à prévoir au testament que toute incidence fiscale du REER à son décès sera à la charge exclusive du légataire à titre particulier.

  • Pour faciliter le roulement vers le régime du conjoint

Lorsque le REER fait l’objet d’un quelconque legs testamentaire au conjoint (ou d’une dévolution sans testament) et que l’institution émettrice est promptement avisée par le liquidateur de la succession, elle va pouvoir transférer les fonds directement dans le REER ou FERR du conjoint, plutôt que de faire un chèque à la succession. Bien que le roulement fiscal soit permis dans les deux cas, le premier scénario a l’avantage d’éliminer plusieurs étapes administratives.

C’est encore plus simple quand le conjoint est désigné à titre de bénéficiaire déterminé dans le contrat conclu avec l’institution émettrice ; au Québec, seuls les contrats de rente autorisent ce type de désignation.

  • Si le bénéficiaire n’est pas le seul héritier

Lorsque, au décès, le REER sera roulé à un bénéficiaire (conjoint, enfant ou petit-enfant) et que ce bénéficiaire n’est pas le seul héritier, la situation crée un déséquilibre : les autres héritiers se voient avantagés du fait qu’ils n’ont pas à assumer des impôts sur les fonds du régime. Par conséquent, le testament devrait toujours prévoir que la charge fiscale du bénéficiaire sera prise en considération de façon raisonnable au moment du partage équilibré des biens entre les héritiers (que le roulement implique une imposition immédiate ou différée).

  • Souscrire au REER du conjoint survivant après le décès

Lorsque le conjoint fiscal est un héritier, il est possible pour le liquidateur successoral de souscrire au REER de ce conjoint afin de réduire le revenu imposable du défunt pour l’année de son décès. Cette souscription devra être effectuée dans l’année du décès ou dans les soixante (60) jours suivants, et ne pas excéder le solde inutilisé des droits de cotisation du défunt. Que ce pouvoir soit prévu ou non au testament, le liquidateur devra obtenir le consentement préalable du conjoint puisque tout retrait à ce nouveau REER constituera un revenu imposable pour le conjoint. Si le conjoint n’est pas le seul héritier, il faudra raisonnablement tenir compte, dans le partage équilibré des biens entre les héritiers, de cette charge fiscale supplémentaire qu’il devra éventuellement assumer.

  • Les droits matrimoniaux dans le portrait

Lorsque la personne qui décède était mariée, les règles de partage du patrimoine familial et du régime matrimonial s’appliquent. Comme le REER acquis en cours d’union fait partie des biens partageables, il est soumis à ces règles. Par ailleurs, le legs du REER au conjoint survivant ne lui retire généralement pas ses droits matrimoniaux à l’égard de ce REER. Le conjoint survivant conserve donc à la fois le legs (la valeur du REER légué) et ses droits matrimoniaux (la moitié de la valeur du REER). Cet aspect juridique est d’une grande importance lorsque le conjoint survivant n’est pas le seul héritier.

Afin d’éviter un tel cumul de droits, le testament devrait toujours prévoir que les legs consentis au conjoint sont conditionnels à ce qu’il renonce, à la suite du décès, à tous ses droits matrimoniaux qui résulteront du décès. Par conséquent, le conjoint survivant devra choisir entre les deux. Il est à noter que tout partage des droits matrimoniaux devrait raisonnablement tenir compte de la valeur après impôts du REER assujetti au partage.

  • Héritier ou non : roulement fiscal du REER au conjoint

Que le conjoint marié soit un héritier ou non, les droits matrimoniaux permettent le roulement en franchise d’impôt du REER du défunt vers le REER du conjoint survivant. Le consentement de ce dernier sera toutefois requis. De plus, l’imposition éventuelle du conjoint devra être considérée dans l’évaluation de ses droits matrimoniaux.

  • Droit au patrimoine familial : transmissible aux héritiers

On sait généralement que, au décès d’un époux, le conjoint survivant a droit au partage du patrimoine familial (qui inclut les REER accumulés durant le mariage). Ce qu’on sait moins, c’est que le droit du défunt au partage du patrimoine familial ne meurt pas avec lui : au contraire, ce droit est automatiquement transféré à ses héritiers. Par exemple, lorsqu’une personne décède en léguant « tous ses biens » à ses enfants nés d’une union antérieure, ces derniers peuvent exiger le partage du patrimoine familial à l’encontre du conjoint survivant. Comme celui-ci n’a pas reçu d’héritage, il pourrait se trouver en difficulté. Certaines solutions juridiques peuvent pallier ce risque.

 

 

Comme on le voit, les incidences fiscales, immédiates ou reportées, de la transmission d’un REER au décès dépendent d’une multitude de facteurs : le type de régime, la présence ou l’absence d’un testament, la nature du contrat d’émission, l’identité des héritiers, etc. De plus, elles peuvent varier considérablement selon les décisions prises durant la planification successorale et testamentaire, ainsi qu’au moment du règlement de la succession. La complexité de ces étapes exige d’ailleurs souvent le recours à des spécialistes du droit et de la fiscalité, qui aideront à réduire non seulement le fardeau fiscal mais aussi, en partie, la lourde responsabilité qui repose sur les épaules du liquidateur testamentaire.

 

 

1 Une lettre consignant ce choix, signée par le conjoint survivant et par le liquidateur successoral, doit être transmise aux autorités fiscales dans les délais prescrits.

2 Moyennant la production des formulaires fiscaux T2019 et TP-930 dans les délais prescrits.