/  18 mars 2007

Le temps est-il venu de liquider les actions canadiennes ?

Entre mars 2003 et mars 2007, la Bourse canadienne (indice S&P/TSX) a procuré un rendement total de 121,9 %, ce qui équivaut à un rendement annuel composé de  22 %. Pendant la même période, un investissement en actions étrangères (MSCI Monde) a progressé de 72,8 %, pour un rendement annuel composé de 14,6 %.

Même si aucun investisseur ne se plaindra d’obtenir de tels rendements, il faut noter que ces résultats sont beaucoup moins impressionnants si l’on inclut la période de 2000 à 2002, trois années qui ont été difficiles pour l’ensemble des marchés boursiers dans le monde.

Le graphique ci-dessous illustre l’évolution d’un investissement en actions canadiennes de 1 000 $, effectué le 1er janvier 2000, en regard du même investissement en actions étrangères. On constate que la baisse a d’abord commencé du côté des actions étrangères et qu’elle y a été plus prononcée. La remontée des deux marchés, qui s’est enclenchée en mars 2003, s’est avérée beaucoup plus significative pour la Bourse canadienne.

Il faut remonter au début des années 80, lors de la dernière grande crise pétrolière, pour constater une telle performance de la Bourse canadienne face aux autres bourses des pays développés. Après avoir identifié les principaux facteurs qui ont contribué à cette « surperformance » exceptionnelle, nous évaluerons comment ils devraient évoluer au cours des prochaines années.

La forte hausse du dollar canadien

Entre 2000 et 2001, on obtenait 65 cents américains pour 1 dollar canadien ; aujourd’hui, on en obtient 85 cents américains. Notre dollar s’est donc apprécié de 30 % par rapport à la devise américaine, au cours des 6 ou 7 dernières années. Ce gain représente ni plus ni moins une perte de change pour un investisseur canadien privilégiant les actions américaines.

Après avoir atteint 91 cents américains en juin 2006, tout porte à croire que la forte hausse de la valeur du dollar canadien est derrière nous, et ce, d’autant plus qu’il faudrait qu’elle augmente à 1,11 $US pour avoir un impact aussi important sur le portefeuille d’actions américaines des investisseurs canadiens.

L’importante progression des titres des secteurs de l’énergie et des matières premières

Depuis mars 2003, soit depuis le début du présent marché haussier, le secteur de l’énergie a littéralement explosé, avec une progression de 170 %. Il est suivi de très près par un autre secteur cyclique, celui des matériaux de base, en hausse de 160 %. Ensemble, ces deux secteurs représentent tout près de 45 % de la Bourse canadienne. S’il est très difficile de prévoir quelles directions ils prendront au cours des prochains mois, il est cependant important de signaler que
le prix du pétrole a végété longtemps entre 10 et 20 $ le baril avant d’amorcer, en 2002, la forte remontée qui a conduit au prix actuel de ± 60 $ le baril. De son côté, le prix des métaux (cuivre, zinc, nickel, etc.) a suivi grosso modo la même tendance.

Ces hausses de prix ont permis aux compagnies des secteurs concernés d’augmenter sensiblement leurs marges de profits, de rentabiliser des activités qui ne l’étaient pas lorsque les prix étaient inférieurs, et de retrouver la faveur des investisseurs. Le contexte a donc été extrêmement favorable pour ces compagnies au cours des dernières années; même un baril de pétrole à
100 $ ne pourrait permettre au cycle haussier des ressources de se poursuivre avec autant d’ardeur, au cours des cinq prochaines années.

La contre-performance des secteurs des soins de santé et de la consommation de base

Indéniablement, les ressources naturelles ont grandement aidé la Bourse canadienne depuis cinq ans. La Bourse américaine, elle, n’a pas pu profiter autant de la poussée de ces secteurs, car ils y occupent une place moins significative (12 %) que les autres. Pendant la même période, deux secteurs non cycliques ont déçu : d’abord celui des soins de santé, où les titres boursiers des grandes compagnies pharmaceutiques (comme Merck et Pfizer) n’ont pas été à la hauteur des attentes, depuis la reprise de 2003; puis celui de la consommation de base qui compte en son sein des multinationales comme Procter & Gamble, Coca-Cola et Colgate-Palmolive. Ces deux secteurs, qui représentent 22 % du marché bousier américain contre 3 % du marché canadien, sont généralement considérés comme étant défensifs. Ils devraient recommencer à « surperformer » lorsque l’économie mondiale ralentira quelque peu.

Les investisseurs étrangers demandent des actifs canadiens et les Canadiens investissent peu à l’étranger

Les investisseurs étrangers ont massivement investi en actions canadiennes au cours des dernières années, afin de profiter de notre forte exposition aux secteurs des ressources naturelles. Comme la Bourse canadienne ne représente que 3 % de l’ensemble des bourses mondiales, il leur faut une bonne raison pour même la considérer. Il ne faudrait donc pas se surprendre qu’au moindre signe de ralentissement économique, ces mêmes investisseurs vendent leurs actions canadiennes et empochent les profits réalisés au cours des dernières années.

Un autre point est à noter : jusqu’à tout récemment, les Canadiens ne pouvaient pas investir plus de 20 à 30 % de leur épargne-retraite en titres étrangers. Depuis l’abolition de cette limite, en juin 2005, ils commencent graduellement à saisir cette nouvelle opportunité qui s’offre à eux. Selon les plus récentes données de Statistique Canada, en 2006, les Canadiens ont investi un montant record de 78,3 milliards de dollars en titres étrangers, comparativement à 28,2 milliards de dollars en titres canadiens acquis par les investisseurs étrangers. Fait encore plus marquant : les statistiques de décembre 2006 indiquent que les Canadiens ont investi 5,6 milliards $ à l’étranger,
alors que les étrangers ont vendu pour 3,3 milliards $. Et la Bourse canadienne se porte encore bien ! On peut dès lors imaginer la situation qui prévaudra lorsqu’elle connaîtra une mauvaise année : assurément rien de bon pour le prix de nos actions canadiennes, et encore moins pour notre devise.

Conclusion

À la lumière de cette analyse, il serait sage de revoir la répartition de votre portefeuille avec votre conseiller. Plusieurs facteurs semblent en effet indiquer que le moment est propice pour cristalliser vos gains, en liquidant une partie de vos actions canadiennes, et qu’il serait souhaitable de commencer à surpondérer les actions étrangères pour les prochaines années.

Pour ceux et celles qui investissent dans les Fonds omnibus et de placement FMOQ, sachez que nous rééquilibrons régulièrement ces deux Fonds. Ceci signifie qu’en pratique, depuis 4 ans, nous avons cristallisé graduellement nos profits en actions canadiennes pour les réinvestir en obligations et en actions étrangères. De plus, comme le démontre le tableau ci-dessous, ces deux Fonds ont aussi commencé à sous-pondérer les actions canadiennes au profit des actions étrangères, depuis la fin décembre 2005.

Fonds omnibus FMOQ
Fonds de placement FMOQ
Court terme et obligations
Répartition actuelle
45 %
35 %
Portefeuille de référence
45 %
35 %
Écart
0 %
0 %
Actions canadiennes
Répartition actuelle
32 %
30 %
Portefeuille de référence
40 %
35 %
Écart
– 8 %
– 5 %
Actions étrangères
Répartition actuelle
23 %
35 %
Portefeuille de référence
15 %
30 %
Écart
+ 8 %
+ 5 %