/  20 juin 2011

Ne pas céder à la panique quand les marchés se corrigent

Investir n’est pas une activité de tout repos. Même lorsque l’on confie cette tâche à des professionnels dont le métier est justement de transiger quotidiennement avec des fluctuations de toutes sortes, on est toujours un peu inquiet lorsque les marchés boursiers cessent soudainement de progresser. L’histoire nous enseigne cependant qu’il ne faut jamais céder à la panique et succomber à la tentation de vendre lorsque les marchés sont en baisse.

Après deux années de rendements somme toute assez généreux, certains investisseurs ont commencé à déchanter lorsque le marché boursier canadien (l’indice de la Bourse de Toronto S&P/TSX) qui a atteint un sommet à 12 470 points au début du mois d’avril, a amorcé un repli qui perdure depuis maintenant plus de trois mois ; un repli qui a eu pour effet d’effacer tous les gains réalisés par l’indice S&P/TSX depuis le début de 2011 mais qui l’a même entraîné en territoire négatif puisque l’indice canadien affichait un rendement de -1,06 %, en date du 30 juin dernier : une contre-performance qui est suffisante pour distiller le doute dans l’esprit des investisseurs nerveux qui attendent le premier signal venu pour revoir de fond en comble la composition de leur portefeuille.

Une stratégie perdante

Vendre ses fonds d’actions canadiennes ou réduire la proportion d’actions dans un portefeuille parce que l’indice S&P/TSX traverse une période de morosité est pourtant la pire des stratégies à suivre. En effet, année après année, de nombreuses études nous rappellent que les investisseurs canadiens ont tendance à mal synchroniser leurs achats et leurs ventes de fonds d’actions. Ils achètent quand les marchés sont à la hausse et ils vendent quand ceux-ci sont à la baisse alors que ce devrait être toujours l’inverse qui se produise, de façon à profiter au maximum de « l’effet de prix ». Ça coûte plus cher quand les prix sont plus élevés et ça vaut moins cher quand les prix baissent et qu’on vend à rabais.

Cette vérité toute simple échappe pourtant à bien des investisseurs qui se laissent dominer par leurs émotions. Quand ils constatent que tout le monde fait de l’argent avec le marché boursier, ils décident de partager cet engouement et d’embarquer dans le marché. Quand ils voient que les valeurs baissent parce que plusieurs investisseurs vendent leurs titres, ils décident de liquider leur portefeuille. Suivre une pareille stratégie à long terme ne peut, au mieux, que procurer un rendement neutre, ce qui n’est pas le but de l’investissement. Chose certaine, si vous êtes de ceux qui ne supportez pas de voir leur portefeuille de placements se déprécier même légèrement, il serait sage et même impératif que vous consultiez votre conseiller avant de prendre la décision de liquider vos fonds, ce qui pourrait s’avérer catastrophique.

Le monde de l’investissement est pavé de phrases telles que « j’aurais donc dû » ou « si j’avais su… ». Plutôt que de regretter une décision prise rapidement, vaut mieux prendre le temps de consulter pour vous assurer qu’il s’agit là de la bonne décision à prendre. Qui sait ? Peut-être que votre conseiller, en vous présentant l’ensemble des éléments à considérer, influencera votre geste et vous évitera de regretter une décision prise trop rapidement. De toute façon, au pire, si vous choisissez de consulter et que la conclusion vous amène à la même décision que celle que vous auriez prise initialement, vous aurez au moins la satisfaction de ne pas avoir agi sur un coup de tête.

Enfin, il convient ici de faire un bref rappel historique pour illustrer combien les marchés boursiers ont cette faculté de récupération qui leur est propre. Ainsi, l’indice S&P 500 (un des principaux indices de la bourse américaine) a connu, au cours des cinquante dernières années, huit corrections majeures qui ont duré, en moyenne, 13 mois et au cours desquelles, l’indice a perdu, en moyenne, 30 % de sa valeur. Pourtant, dans les douze mois qui ont suivi la fin de ces corrections, l’indice S&P 500 a produit des rendements moyens de 29,5 % et de 42,3 % au cours des 24 mois suivants.

Celui qui a tout vendu pendant l’un ou l’autre de ces replis de marché n’a jamais profité des généreux rendements qui ont suivi. « J’aurais donc dû… »

Trois facteurs d’incertitude

Selon l’avis de nombreux spécialistes financiers, l’investisseur québécois aurait doublement tort de succomber à la panique pour vendre ses fonds d’actions canadiennes ou américaines d’autant que le recul que l’on observe depuis quelques mois sur les marchés ne devrait être que temporaire.

Si le marché boursier canadien a interrompu sa progression en avril dernier, après avoir généré des rendements de 27 % en 2009 et de 15 % en 2010, c’est qu’il perçoit certains signes de faiblesse économique qui affectent tous les grands pays industrialisés.

La reprise économique moins rapide que prévue aux États-Unis de même que le niveau d’endettement record du gouvernement américain inquiètent toujours les marchés, tout comme la crise européenne dont on a la fâcheuse tendance à amplifier les côtés dramatiques. Ainsi, bien qu’on estime à 85 % les chances de réussite du plan de sauvetage de la Grèce, on ne fait que focaliser sur les 15 % de risques qu’il échoue. Enfin, les effets du tsunami au Japon se font toujours ressentir sur l’économie mondiale et particulièrement aux États-Unis.

Toujours selon les spécialistes en la matière, ces mêmes facteurs étaient présents en début d’année et n’ont pas empêché les marchés de connaître un bon premier trimestre. Depuis avril, ils ont pris plus d’importance et ont contribué à alimenter la peur « d’avoir peur ».

Un contexte encore très favorable

Il y a quelques mois, la plupart des stratèges des grandes sociétés d’investissement canadiennes anticipaient de très bons rendements pour le marché boursier canadien pour l’ensemble de l’année 2011. Ainsi, on escomptait des rendements se situant entre 9 % et 14 %.

Selon ces professionnels de l’investissement, les bourses canadiennes et américaines sont présentement sous-évaluées. L’indice S&P 500 de la bourse américaine affiche présentement le plus bas ratio cours-bénéfice des 27 dernières années, en se transigeant à 12 fois la valeur des profits des sociétés qui composent l’indice. Pour la bourse canadienne, on parle d’un ratio cours-bénéfice de 13 fois les profits attendus.

Or, historiquement, tant le S&P 500 que le S&P/TSX se transigent à des ratios cours-bénéfice moyens de 17 ou 18 fois les profits escomptés. Si on est loin du compte, c’est que les marchés – et les investisseurs – se laissent distraire par les trois principaux facteurs économiques négatifs que l’on évoquait plus haut, soit : l’endettement massif des États-Unis, la crise européenne et les effets persistants du tsunami au Japon.

Vers un retournement du marché obligataire ?

Il suffirait donc de quelques nouvelles positives dans les prochaines semaines pour que l’on assiste à un ralliement boursier estival, un peu comme celui que l’on a connu l’été dernier, une probabilité qu’il ne faut pas sous-estimer, selon plusieurs analystes.

Il faut rappeler que l’essentiel des rendements produits par les marchés boursiers en 2010 ont été enregistrés durant la seconde partie de l’année.

Par ailleurs, si la crise européenne arrive à se résorber d’elle-même, sans bouleversements majeurs, et si la reprise économique américaine se déploie de façon un peu plus marquée au cours des prochains mois, on pourrait aussi assister à un retournement du marché obligataire qui a encore très bien performé cette année.

Les taux directeurs des banques centrales, qui ont été ramenés à presque 0 % depuis trois ans maintenant, devraient amorcer une remontée prochaine. Le Canada a déjà timidement commencé à hausser son taux d’escompte et les États-Unis vont faire de même dès que les signes de reprise économique seront plus manifestes.

Ces hausses appréhendées des taux d’intérêt vont réduire d’autant les rendements sur les titres obligataires qui ont généré des paiements d’intérêts élevés au cours des dernières années. Il s’agit ici d’un autre facteur qui devrait favoriser, à moyen terme, le marché des actions.

La stratégie de l’étalement

Autre facteur qui devrait donner matière à réflexion à l’investisseur qui songe à quitter le monde des actions pour espérer trouver refuge dans un autre véhicule d’investissement plus sécuritaire, il faut juste rappeler que ce n’est pas la première correction de plus de 5 % que les marchés nord-américains subissent depuis que la reprise boursière s’est amorcée en mars 2009.

Pour la bourse américaine, il s’agit en fait de la 7e correction de plus de 5 % que vient d’enregistrer l’indice S&P 500 depuis mars 2009 et, à chaque fois, l’indice a non seulement repris ce qu’il avait perdu, il a par la suite poursuivi son ascension.

La Bourse de Toronto a subi au cours des deux mêmes dernières années des reculs à peu près équivalents à ceux enregistrés par le S&P 500– quoique de moindre envergure – et a, aussi, toujours repris, par la suite, sa course ascendante.

Devant pareil contexte, l’investisseur qui dispose de liquidités et qui souhaite favoriser le marché des actions aurait avantage à étaler, progressivement ou systématiquement dans le temps, ses investissements. Réintégrer de façon graduelle le marché permet de réduire son exposition aux mouvements de repli boursier comme celui que nous venons tout juste de traverser, tout en s’assurant de pouvoir pleinement profiter de la remontée des titres lorsqu’elle se matérialisera.

Il s’agit sans conteste de la meilleure stratégie à adopter pour faire face à la période de repli que l’on connaît présentement ; une période qui, rappelons-le, devrait être de courte durée selon l’avis de la grande majorité des experts. C’est à tout le moins une stratégie nettement plus gagnante que celle de céder à une panique passagère et de liquider des placements qui ont pourtant encore beaucoup de potentiel d’appréciation à offrir à ceux qui savent rester patients. Pourquoi ne pas en discuter avec votre conseiller ?