/  01 octobre 2012

Les limites du fractionnement du revenu

Dans notre régime fiscal, chaque contribuable a l’obligation de payer des impôts sur ses revenus. La Loi de l’impôt nous permet d’en minimiser le fardeau sans toutefois franchir certaines limites qu’on appelle « les règles d’attribution ». Celles-ci doivent être soigneusement analysées lorsque l’objectif est le fractionnement de revenus. L’application de ces règles peut faire avorter le résultat escompté en réattribuant les revenus à une autre personne que celle visée.

Transfert ou prêt au conjoint

Cette règle d’attribution vise les opérations en faveur du conjoint, même par l’intermédiaire d’une fiducie. Les revenus ou les gains en capital produits seront réattribués à l’auteur du transfert plutôt qu’au bénéficiaire.

Cette règle ne s’applique pas au revenu d’entreprise. Le maintien du statut de société exploitant une petite entreprise (SEPE) est donc essentiel. L’application de cette règle se termine au premier de ces événements :

  • au décès de l’auteur du transfert;
  • lorsque l’auteur devient non résident;
  • à la rupture de l’union.

Deux personnes séparées peuvent effectuer conjointement, dans leurs déclarations de revenus, le choix de ne pas appliquer les règles d’attribution sur les gains et les pertes en capital à l’égard des biens transférés par un conjoint à l’autre en règlement de leur rupture. Cela protégera le conjoint ayant cédé les biens visés.

Transfert ou prêt à un enfant

Cette règle d’attribution vise les opérations en faveur d’une personne de moins de 18 ans liée à l’auteur (enfant, neveu, nièce), même par l’intermédiaire d’une fiducie. Les revenus ou les pertes seront alors réattribués à l’auteur du transfert plutôt qu’au mineur. L’application de cette règle se termine au premier de ces événements :

  • au décès de l’auteur du transfert;
  • lorsque l’auteur devient non résident;
  • l’année où le mineur atteint l’âge de 18 ans.

À titre d’exemple, la réattribution des revenus cesse le 1er janvier de l’année où le mineur atteint 18 ans, même si son anniversaire est le 31 décembre suivant. Elle ne vise pas les gains ou les pertes en capital ni les revenus d’entreprise produits par la fiducie. Cependant, cette règle ne s’applique pas si les revenus payés au bénéficiaire sont soumis à l’impôt sur le revenu fractionné des enfants mineurs, appelé « kiddie tax ».

Impôt sur le revenu fractionné des enfants mineurs

Les particuliers paient leurs impôts selon des paliers progressifs allant de 0 % à 48,2 % en considérant les impôts du Canada et du Québec. De plus, chaque particulier a droit au crédit d’impôt personnel de base, ce qui fait en sorte qu’il n’y a pas d’impôt à payer sur les premiers 10 821 $ de revenus en 2012.

Or, les propriétaires d’entreprise, disposant de plus de latitude quant à leurs formes de rémunération, avaient compris qu’en émettant des actions de leur entreprise à leurs enfants mineurs ayant peu ou pas de revenus, ils pouvaient leur verser un dividende équivalant au crédit d’impôt personnel de base sans que ces derniers ne paient d’impôts. Il s’agissait donc d’une excellente stratégie de fractionnement du revenu.

L’utilisation de cette stratégie ayant pris de l’ampleur avec le temps, les autorités fiscales y ont mis un terme en modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu pour y introduire l’impôt sur le revenu fractionné des enfants mineurs. Ainsi, depuis l’an 2000, il n’est plus possible d’effectuer un fractionnement de revenus en versant des dividendes de sociétés privées à des enfants mineurs afin de profiter de paliers d’imposition inférieurs. Ce type de revenu sera imposé au taux marginal maximal de 48,2 %, et l’enfant ne bénéficiera pas du crédit d’impôt personnel de base. L’application de cette règle se termine dans l’année où le bénéficiaire atteint l’âge de 18 ans.

Veuillez noter que l’ensemble des règles ne s’applique pas au revenu d’une fiducie testamentaire créée par le père ou la mère du bénéficiaire, ou par toute autre personne si le bénéficiaire est inscrit à temps plein dans un établissement d’enseignement postsecondaire ou est admissible au crédit d’impôt pour personne handicapée.

Cet impôt spécial ne vise pas le gain en capital, sauf lorsqu’il est déclenché à la disposition d’actions de sociétés privées avec lien de dépendance visé après le 21 mars 2011. Les dividendes non imposables du compte de dividende en capital (CDC) ne sont pas concernés par l’impôt des enfants mineurs.

Prêt au taux prescrit

Une solution simple pour éviter l’application des règles d’attribution consiste à effectuer un prêt au taux prescrit. Ce dernier est établi par l’Agence du revenu du Canada et mis à jour sur une base trimestrielle. Il était de 1 % pour le troisième trimestre de 2012.

Il est donc possible de faire un prêt au conjoint au taux prescrit au moment du déboursé. Le taux ne variera pas même si ce taux augmente par la suite, et ce, tant que le paiement de l’intérêt sera respecté.

Le contribuable ayant effectué le prêt doit recevoir le paiement des intérêts au plus tard trente jours après la fin de l’année et les ajouter à ses revenus, tandis que le payeur peut les déduire de ses revenus de placement.

L’exercice se révèle profitable tant qu’il existe un écart important de revenus entre les conjoints et que ces derniers disposent d’un surplus d’épargne leur permettant de faire fructifier des sommes substantielles (dégageant un rendement supérieur au taux prescrit) pendant une période relativement longue.

Un document attestant les conditions du prêt est aussi de mise pour cette stratégie. On y retrouvera, entre autres, les noms des parties en cause, le taux d’intérêt, les modalités de remboursement et la nature du prêt.

Conclusion

Toute stratégie de fractionnement du revenu demande une planification minutieuse. N’hésitez donc pas à consulter un professionnel afin d’obtenir les résultats escomptés.