/  03 mars 2015

Les biens étrangers et l’Agence du revenu du Canada

Chaque année, le gouvernement canadien demande aux personnes, aux fiducies et aux sociétés qui ont pignon sur rue au Canada de fournir plusieurs informations lorsqu’ils détiennent certains biens à l’étranger dont le coût fiscal total à un moment quelconque de l’année excède 100 000 $ CA. Une personne doit répondre à une question bien précise qui se trouve à la première page de sa déclaration de revenus fédérale : « Possédiez-vous ou déteniez-vous des biens étrangers dont le coût total dépassait 100 000 $ CA à un moment quelconque dans l’année ? ». Si la réponse est positive, vous devrez remplir le formulaire T1135. Il n’est pas simple toutefois de répondre à cette question. En effet, vous devrez préalablement vous poser plusieurs questions, pour lesquelles les réponses ne sont pas toujours faciles à trouver :

  • Que constitue un bien « étranger » ?
  • Quels sont les biens visés par cette règle ?
  • Quel est le coût d’acquisition ?
  • Quels sont les autres éléments à inclure dans le coût fiscal ou à déduire du coût fiscal ?
  • Quel taux de change doit-on utiliser ?

Le but principal du formulaire T1135 est d’accroître le respect des lois fiscales en matière de déclaration du revenu de source étrangère.

Le formulaire T1135 ne permet pas de faire le calcul aux fins du seuil d’assujettissement de 100 000 $ CA (il n’y a rien à cet égard dans le formulaire). Il vise uniquement la déclaration des biens étrangers une fois que vous avez établi votre assujettissement. Vous devez y déclarer tous les biens étrangers que vous avez possédés à un moment quelconque dans l’année (même si vous ne les avez plus en fin d’année). Pour chaque bien étranger, vous devez déclarer le coût fiscal à la fin de l’année (s’il y a lieu), le coût fiscal le plus élevé au cours de l’année (qui peut être à la fin d’un mois aux fins de simplification), tout gain (ou perte) en capital et tout revenu (ou perte) réalisés dans l’année à l’égard de ce bien. Tous ces montants doivent être fournis en devises canadiennes.

Le formulaire doit être annexé avec la déclaration de reve­nus fédérale. Il doit donc être produit dans les mêmes délais. Il y a d’importantes pénalités si le formulaire n’est pas produit selon les modalités prescrites et dans les délais prévus. En l’absence de fraude, elles peuvent atteindre 2 500 $. Lorsqu’il y a un doute quant à l’application du seuil de 100 000 $ CA, il est donc toujours recommandé de produire le formulaire.

Les biens visés

  • Tout d’abord, un bien situé à l’étranger est un bien qui se trouve « à l’extérieur du Canada » ;
  • Les biens immobiliers situés à l’étranger, autres que ceux qui sont utilisés principalement à des fins personnelles ou qui sont utilisés exclusivement dans une entreprise (un immeuble locatif et un terrain vacant sont donc généralement des biens visés) ;
  • Les actions, obligations et autres placements dans des sociétés qui ont pignon sur rue à l’étranger ou qui sont émis par un gouvernement étranger, même s’ils sont détenus au Canada chez un courtier (et même s’ils sont cotés à une bourse canadienne) ;
  • Les parts dans un fonds commun de placement consti­tué à l’étranger (même si elles sont détenues au Canada chez un courtier, et même si le fonds ne détient que des placements canadiens) ;
  • Un dépôt dans un compte bancaire situé à l’étranger (sauf s’il est détenu dans le cadre d’une entreprise) ;
  • Une option d’achat qui vise l’acquisition d’un placement étranger.

Les biens exclus

Voici quelques exemples de biens qui ne sont pas visés par le formulaire T1135 :

  • tous les placements étrangers qui sont détenus dans un régime enregistré (REER, FERR, CELI, RVER, REEE, REEI, CRI, FRV, RRI) ;
  • les parts dans un fonds commun de placement constitué au Canada (même si le fonds détient des placements étrangers) ;
  • les biens immeubles qui sont utilisés principalement à des fins personnelles (par exemple, un condominium ou un chalet) ;
  • les biens immeubles utilisés exclusivement dans une entreprise ;
  • les actions d’une société canadienne cotée à une bourse étrangère ;
  • un dépôt libellé en dollars américains dans un compte bancaire au Canada.

Si vous êtes actionnaire d’une société privée par actions et que cette dernière détient des biens étrangers, vous n’avez pas à les déclarer sur votre formulaire T1135 étant donné que ce n’est pas vous qui les détenez. C’est plutôt votre société par actions qui doit les déclarer sur son propre formulaire T1135, s’il y a lieu.

Le coût fiscal

De façon générale, le coût fiscal d’un bien correspond à son coût d’acquisition. Toutefois, il se peut que ce coût soit modifié (augmenté ou réduit) tout au long de la période de détention du bien. Par conséquent, l’établissement du coût fiscal d’un bien peut parfois être fort complexe. Voici des exemples de biens dont le coût fiscal à un moment quelconque peut être différent du coût d’acquisition :

  • certaines rénovations apportées à un bien immeuble ;
  • certains changements d’usage d’un bien immeuble (un immeuble à usage personnel qui devient un immeuble locatif) ; le coût d’acquisition de l’immeuble locatif sera généralement sa valeur marchande au jour du changement d’usage ;
  • le coût d’un bâtiment locatif sera réduit annuellement lorsque le propriétaire réclame une dépense pour amortissement fiscal afin de réduire son revenu fiscal de location ;
  • des distributions de capital à l’égard de parts dans un fonds commun de placement ;
  • un revenu imposable versé sous forme d’attribution de nouvelles parts dans une fiducie de fonds commun de placement ;
  • des actions étrangères acquises à la suite de l’exercice d’une option d’achat ;
  • des actions étrangères acquises dans le cadre d’un programme de réinvestissement des dividendes ;
  • des actions étrangères émises dans le cadre d’une transaction de type « spin-off » (distribution sous forme de dividendes en nature d’actions détenues dans une filiale).

L’établissement du coût fiscal d’une action peut devenir fort complexe lorsque le contribuable effectue plusieurs transactions successives d’achat et de vente sur les titres d’une même société (méthode du coût moyen à l’égard de biens « identiques »). Cette détermination sera d’autant plus difficile lorsque le contribuable détient des comptes auprès de plusieurs établissements financiers et des comptes de courtage à escompte.

Une nouvelle règle de simplification permet (ce n’est pas obligatoire) de déclarer certains biens étrangers de façon globale plutôt que de fournir les détails pour chaque bien. Cette règle vise tous les titres étrangers détenus dans des comptes auprès de courtiers en valeurs mobilières canadiens et de sociétés de fiducie canadiennes. Les informations doivent être regroupées par pays étranger (pour chaque compte séparément). Ce n’est pas le coût fiscal de chaque titre qui doit être fourni, mais la valeur marchande globale des titres étrangers (selon les relevés de compte). Les deux valeurs marchandes à déclarer sont celle de la fin du mois de l’année la plus élevée et celle de la fin de l’année. Cette nouvelle règle ne peut toutefois s’appliquer à l’établissement du seuil de 100 000 $ CA. Par ailleurs, il n’est plus possible d’exclure du formu­laire T1135 les biens étrangers pour lesquels des feuillets T3 ou T5 ont été émis.

Si le coût d’acquisition est en devises étrangères, il devra être converti en dollars canadiens selon le taux de change au moment de l’acquisition. Dans certaines circonstances, il est permis d’utiliser le taux de change moyen de l’année. Il existe aussi le choix de la monnaie fonctionnelle.

Établissement du coût fiscal à un « moment quelconque » (seuil de 100 000 $ CA)

Le seuil d’assujettissement de 100 000 $ CA doit être calculé pour tous les biens détenus simultanément à une date quelconque dans l’année. Par exemple, si vous avez vendu en 2014 un bien étranger ayant un coût fiscal de 75 000 $ CA et que par la suite (toujours en 2014), vous avez acquis un autre bien étranger pour un coût de 50 000 $ CA, vous n’avez pas à produire le formulaire T1135. Par contre, vous serez tenu de le produire si les deux biens étrangers ont été détenus en même temps, ne serait-ce qu’une seule journée dans l’année !